MRC Aire Urbaine (BMH)
Dimanche 12 Février 2017

La révolution qui vient



Les enjeux politiques et territoriaux de la future économie des mobilités.


Le Triple play Optymo sur Youtube
Le Triple play Optymo sur Youtube
Il est temps de prendre la mesure de ce qui va arriver demain. L'arrivée des véhicules sans chauffeur démultipliée par les potentialités du Big Data et de la voiture partagée va provoquer une véritable révolution dans les mobilités tout particulièrement dans les transports collectifs. Ces véhicules seront présents massivement d'ici dix à quinze ans. L'impact sera équivalent à celui d'une réinvention de l'automobile. La révolution sera à la fois mondiale et locale ! Elle se déroulera sur l'ensemble des continents et en même temps modifiera en profondeur les dynamiques urbaines et la compétition territoriale. Les enjeux économiques seront considérables.
 
La France qui dans l'ensemble des domaines concernés bénéficie d'acteurs privés, industriels et sociétés de services, de taille mondiale et d'administrations nationales et locales compétentes peut ambitionner une position de leader dans cette révolution qui s'annonce. A condition que l'ensemble des acteurs prennent la mesure des enjeux et se mobilisent. Et tout particulièrement à l'échelle locale car c'est sur le terrain, dans le réel de la vie quotidienne, que l'on pourra vérifier la viabilité y compris sociétale des solutions nouvelles. Mais pour cela, quelques données doivent être rassemblées et articulées pour faciliter la compréhension des bouleversements à préparer.
 

Les recettes commerciales des 144 réseaux de province dont les données sont publiées chaque année par l'UTP ne couvrent actuellement que 30% de leurs dépenses de fonctionnement. Il faut donc un financement public de près de 3 milliards d'euros par an pour compenser leurs déficits cumulés. Le cout total d'une voiture sans chauffeur devrait se situer autour de 0,4 € par kilomètre pour 5 places disponibles et donc 0,08 € par place/kilomètre. Le tarif payé par les usagers des 144 réseaux TC se situe autour de 0,48 € pour un trajet moyen de 6 km soit 0,08 € par voy/km. Soit une égalité parfaite entre cout de la voiture sans chauffeur et la recette payée par l'utilisateur actuel. Plus de déficit ! Dans le contexte de crise des finances locales de telles perspectives vont stimuler puissamment les imaginations.
 
Pour des trajets quotidiens courts à la vitesse moyennes de 22 km/h, les résistances à l'absence de conducteur devrait être beaucoup moins fortes que pour les grands déplacements. Il faut préciser qu'il y a, suivant la taille des réseaux de province , entre 2,4 et 4,7 voyageurs par km parcourus par l'ensemble des véhicules (tramway et métro compris). La voiture sans chauffeur qui, suivant les modèles, pourra aller jusqu'à 9 passagers devra être considérée demain comme un outil du transport en commun au même titre que les bus.
 
De plus dans l'ensemble des agglomérations les relations autres que "périphérie/centre" représentent les trois quarts des déplacements. Or la quasi-totalité des lignes passent par les centres compte tenu de l'extrême diversité des déplacements quartier à quartier ce qui pénalise énormément l'attractivité du transport en commun compte tenu du temps perdu en correspondance au centre. Avec les voitures sans chauffeur et la puissance du Big Data cette logique est totalement bouleversée. Il est possible d'organiser des services de quartier à quartier sans passer par le centre.  Ce ne sont plus les gros volumes qui conditionnent la réduction des coûts ! C'est d'ailleurs aussi le cas pour les secteurs à faible densité (rural et urbain). Enfin, le taux d'occupation moyen étant près de 1,4 personne par auto et chaque auto n'étant utilisé que 5% du temps, un transfert modal de la voiture personnelle à la voiture sans chauffeur intégrée dans une offre de transport en commun conduira  à une diminution du nombre de voitures sur les routes et modifiera aussi radicalement la problématique du stationnement dans les centres denses.
 
La révolution des transports en commun sera amplifiée par sa combinaison avec la voiture partagée qui se développe à un rythme très rapide dans le monde entier.  Sur les un peu plus de 1000 déplacements que font les français chaque année, seule une poignée d'entre eux nécessitent véritablement la voiture (sur les 12000 km qu'ils parcourent par an une moitié d'entre eux sont faits des 1000 déplacements du quotidien, l'autre moitié par une dizaine de déplacements longs). En l'absence d'alternative, la propriété individuelle de la voiture s'est, jusque-là, imposée. La voiture c'est la liberté. Partir quand on veut, où on veut. La nuit et les week-ends quand les réseaux de transports ne sont plus là. Et à partir du moment où l'on doit faire face aux coûts fixes de la voiture, il est rationnel économiquement de l'utiliser tous les jours ce qui explique la très faible fréquentation des transports en commun. Intégrer dans l'offre de transport en commun les solutions de voiture en auto partage modifie radicalement la donne et permet d'envisager une réduction importante du poids de la mobilité dans le budget des ménages. Et là, pas du fait de la voiture sans chauffeur dont les fonctionnalités ne seront pas forcément mobilisées. Car pour les déplacements longs une partie importante des utilisateurs souhaiteront conduire.
 
La mobilité comme un service existe déjà et peut servir de terrain d'innovations pour les véhicules comme pour les services. A Belfort, sur un pôle urbain de 70 000 habitants. sont intégrés  depuis fin 2013 , dans l'offre de transport en commun , 80 véhicules en auto partage déployés sur l'ensemble du tissu urbain  et accessibles sans délai. Deux ans après, 2800 clients du réseau de transport en commun sont utilisateurs de la solution voiture accessible avec la même carte que pour prendre le bus ou le vélo en libre service. Cette offre appelée Triple Play (bus, vélo, voiture) présentée dans une vidéo sur le site Optymo, www.optymo.fr , s'accompagne d'un dispositif généralisé de paiement différé fin de mois avec prélèvement bancaire auquel a adhéré la moitié de la population du département. Les solutions existent. elles marchent au quotidien et elles sont comprises et acceptées par le public. Il est passé déjà dans beaucoup d'autres secteurs de la propriété à l'usage !
 
Cela ne rend pas obsolète les moyens lourds actuellement déployées qui sont indispensables pour les axes structurants les plus importants dans les grandes agglomérations. Au contraire de les mettre en concurrence, c'est une complémentarité qu'il faut organiser dans celles ci pour peut faire tripler voire quadrupler la fréquentation de leurs réseaux. Pour cela il faut réfléchir à d'autres priorités d'investissements et en même temps à une remise en cause en profondeur de la conception actuelle des réseaux et des services proposés. Mais l'effet taille des agglomérations ne joue plus ; emboîtement de micro-solutions, bus, vélos, voitures en libre-service, articulé avec une refonte du réseau traditionnel mobilisera pour des résultats équivalents des moyens beaucoup moins importants que les solutions tramway et métro. Pour l'ensemble des villes moyennes, c'est une formidable opportunité d'offrir à leurs populations des services équivalents voire de meilleure qualité que les très grandes agglomérations ! Elles peuvent, si elles s'en donnent les moyens, s'ouvrir un avenir et résister au déménagement du territoire que les grandes métropoles organisent aujourd'hui.

Christian PROUST
Président du SMTC 90 de 2004 à 2014, après avoir été de 1982 à 2004, Président du Conseil Général du Territoire de Belfort.



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