MRC Aire Urbaine (BMH)
Mardi 22 Novembre 2016

Débat d'orientations budgétaires 2017. "Nous ne discuterons pas de vos orientations car il n’y en a pas"



Intervention de Bastien Faudot au Conseil municipal du 17 novembre 2016


M. le Maire, mes chers collègues,
 
Depuis bientôt 3 ans, à intervalle régulier, la lecture de votre politique budgétaire m’amène à déplorer l’absence de vision de la municipalité : pas de plan pluriannuel d’investissement, pas d’orientations explicites qui traduisent vos priorités en matière de politiques publiques, tant en investissement qu’en matière de services à la population. De ce point de vue, je ne suis pas déçu. En lisant attentivement vos orientations budgétaires pour 2017, j’observe que vous restez fidèle à vous-même : nous ne discuterons pas de vos orientations car il n’y en a pas. Ou, plus exactement, vous ne nous les livrez pas car vous essayez d’échapper au débat. Un débat d’orientation budgétaire sans orientations et sans véritable débat, c’est une prouesse qui mérite d’être relevée.

Votre absence de vision et de culture du projet est préoccupante pour notre ville qui, dans le contexte de crise, a besoin d’innover pour ne pas se recroqueviller au rang d’une petite ville dépourvue d’imagination. Je ne rappellerai pas ici ce qui a été engagé par vos prédécesseurs pendant les 37 années où la gauche républicaine a conduit le destin de Belfort.
 
" Je rappelle tout cela parce que vous n’échapperez pas à la comparaison. Et vos prédécesseurs ont pu faire tout cela parce qu’ils ont développé une vision de la ville et de son agglomération, pensé le budget d’investissement et les politiques publiques avec une ambition presque démesurée pour Belfort. C’est comme cela que Belfort est sorti du lot"

Beaucoup de maires aimeraient disposer d’un tel héritage que de façon inélégante et même injuste, vous qualifiez de « passif ». Ce n’est pas un passif, c’est un passé, une histoire grâce à laquelle Belfort résiste encore aujourd’hui : c’est Techn’hom, c’est la Jonxion et la gare TGV, c’est l’université, c’est les Eurockéennes, c’est le FIMU, c’est Entrevues, c’est l’implantation du Centre chorégraphique national, c’est la Scène nationale du Granit, c’est la politique de transports publics, c’est le renouvellement urbain, c’est une politique logement de mixité, c’est la requalification de nombreux quartiers, c’est la place d’Armes et la piétonisation du Faubourg de France ; c’est aussi un soutien indéfectible aux structures d’éducation populaire, aux centres culturels et sociaux et aux maisons de quartier parce qu’une ville, ce sont d’abord des citoyens impliqués… Je rappelle tout cela parce que vous n’échapperez pas à la comparaison. Et vos prédécesseurs ont pu faire tout cela parce qu’ils ont développé une vision de la ville et de son agglomération, pensé le budget d’investissement et les politiques publiques avec une ambition presque démesurée pour Belfort. C’est comme cela que Belfort est sorti du lot. C’est pour cela que Belfort était « envié, jamais égalée » comme me le confiait récemment l’un de vos amis politiques Franc-Comtois. La compétition des territoires existe, vous le savez. Elle risque de s’amplifier encore, et sans vision, Belfort risque la rétrogradation.

"... on pouvait imaginer qu’à défaut de vision, vous seriez un bon gestionnaire. En regardant de plus près vos orientations, je ne le pense même pas"

Dans l’action publique, il reste aussi les éléments de gestion courante. Sur ce plan là aussi, votre document d’orientation budgétaire m’inquiète au plus haut point. Je le dis pour Belfort, pour les Belfortains : on pouvait imaginer qu’à défaut de vision, vous seriez un bon gestionnaire. En regardant de plus près vos orientations, je ne le pense même pas.

Et j’entends ici m’en expliquer de façon concrète et reprenant la compilation de tableaux et de chiffres dont vous nous avez gratifiés :
"... la réalité c’est que vous n’avez déjà plus aucune marge de manœuvre à mi-mandat"

1. le chiffre de l’épargne nette que vous prévoyez pour 2017 témoigne du décrochage budgétaire de la ville. Avec une épargne nette tout juste au dessous de 0, la ville n’est pas en faillite, mais pas loin. Vous semblez vous satisfaire de dégager une « épargne nette positive » : la réalité c’est que vous n’avez déjà plus aucune marge de manœuvre à mi-mandat. Les deux derniers exercices budgétaires de l’équipe précédente avaient dégagé une épargne nette de 5 M et 3,5 M d’euros. Nous sommes ici tout juste au niveau de la ligne de flottaison ;

2. vous pensez pouvoir le justifier en invoquant les baisses de dotations de l’Etat que, comme vous d’ailleurs, je déplore. Ces baisses de dotations restent cependant beaucoup plus modérées que le « trou d’air » qui apparaît en épargne nette :  moins 600 000 euros depuis 2014 en passant de 23,5 à 22,9 M € ;

3. d’autant que les recettes fiscales augmentent légèrement, à un rythme régulier, essentiellement du fait de l’évolution des bases ;

4. l’explication tient en grande partie par la structuration de vos dépenses.
  • en premier lieu, l’affichage de vos dépenses de fonctionnement sont comme l’an dernier en diminution. Je dis bien l’affichage, parce que le réalisé traduit une augmentation de + de 3,5 % en passant de 62,2 à 64,5 M€. Sur la durée, il faut être juste, vous les maintenez dans une enveloppe compararable aux dernières années du mandat précédent.
" Je crois en réalité qu’une partie du décrochage budgétaire de la ville tient à l’insincérité des chiffres annoncés en matière de dépenses de fonctionnement "
  • En second lieu, sur les dépenses de personnel, là, vous écrivez manifestement dans votre document le contraire des chiffres qui sont présentez. Vous dites que vous aller baisser les dépenses de personnel de 850 K€, mais sur le tableau à côté, vous annoncez des dépenses de personnel qui augmentent de 424 K€. Que doit-on croire ? D’autant que le graphique lui semble montrer une baisse vertigineuse des dépenses de personnel depuis 2013, mais on ne comprend pas du tout à quoi renvoient ces chiffres.
Je crois en réalité qu’une partie du décrochage budgétaire de la ville tient à l’insincérité des chiffres annoncés en matière de dépenses de fonctionnement. Vous faites là dans l’enfumage.
 
" Vous avez fait campagne en dénonçant le surendettement de vos prédécesseurs. En réalité, si je m’en tiens aux chiffres annoncés, nous allons rembourser 700 000 euros de capital en plus en 2017, ce qui veut dire que vous allez augmenter encore l’endettement de la ville "
  • Enfin, viennent les dépenses d’investissement et la dette. C’est le sujet le plus grave parce que vous aviez pris des engagements clairs que vous ne tenez pas. Vous avez fait campagne en dénonçant le surendettement de vos prédécesseurs. En réalité, si je m’en tiens aux chiffres annoncés, nous allons rembourser 700 000 euros de capital en plus en 2017, ce qui veut dire que vous allez augmenter encore l’endettement de la ville. D’ailleurs, la capacité de désendettement de Belfort continue d’augmenter puisqu’il faut désormais 10 années complètes d’épargne brute pour assurer le désendettement de la ville contre 7 années en 2013.

Comme je l’avais annoncé l’an dernier, l’endettement de Belfort en 2016 a augmenté de 3 M €. Il est donc supérieur de 600 000 euros au bilan de l’année 2014 lorsque vous êtes arrivés. A ce rythme, je ne comprends pas comment vous pourrez simultanément :
  • Maintenir le volume d’investissement pour réaliser votre programme
  • Ne pas augmenter les impôts
  • Désendetter la ville d’ici 2020 puisque vous n’avez cessé de prendre cet engagement
 " Je ne vous reproche pas d’avoir des convictions différentes qui pourraient éclairer votre action. C’est pour ça qu’il y a une majorité et une opposition. Je vous reproche d’abîmer le débat démocratique local. Je vous reproche d’avoir pour volonté de l’éteindre "
 
Un mot de conclusion. Depuis le début du mandat, je n’ai cessé de vous mettre devant vos contradictions : la politique d’austérité décidée par le gouvernement avec le plan d’économie de 50 Mds d'euros ont fait l’objet de critiques virulentes de votre part. Et en même temps, vous passiez sous silence le fait que votre famille politique préconisait des réductions de dépenses publiques beaucoup plus importantes : 130 Mds en moins, dont 20 Mds pour les collectivités. Vous contestiez ces chiffres. Ils sont pourtant établis.

En réalité, je pense que ces baisses de dotations vous arrangeaient bien puisqu’elles vous ont permis de dissimuler votre mauvaise gestion et de trouver une justification commode pour mettre un terme à votre projet absurde et couteux de parking souterrain.

Mais les problèmes les plus graves sont devant vous : l’homme que vous soutenez, pour quelques jours encore, à la primaire (N. Sarkozy) propose dans son programme une baisse des dépenses publiques de 100 milliards d’euros pour le prochain mandat. Comment ferez-vous demain si vos amis gagnent l’élection présidentielle ? Ce sera du funambulisme, M. le Maire, car ce sont vos propres amis qui vont vous mettre dans une situation intenable pour notre collectivité.

A quels projets devrez-vous demain renoncer ? Quelles promesses supplémentaires allez-vous sacrifier ? J’ai ma petite idée sur la question, mais je suis sûr que nous aurons l’occasion d’en reparler.
 
Je ne vous reproche pas d’avoir des convictions différentes qui pourraient éclairer votre action. C’est pour ça qu’il y a une majorité et une opposition. Je vous reproche d’abîmer le débat démocratique local. Je vous reproche d’avoir pour volonté de l’éteindre. A ce titre, et au-delà de nos divergences légitimes, ce document-là témoigne de l’affaissement démocratique que subit notre ville. 

Bastien Faudot, 
conseiller municipal d'opposition



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