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Publié le Lundi 6 Juillet 2015 par Mouvement Républicain et Citoyen

Référendum en Grèce : "Le peuple grec a fait preuve d’une capacité de résistance invraisemblable"



Entretien de Bastien Faudot, porte-parole national du MRC, accordé à l'Est-républicain, lundi 6 juillet 2015. Propos recueillis par Philippe Piot.


Référendum en Grèce : "Le peuple grec a fait preuve d’une capacité de résistance invraisemblable"
Le Belfortain Bastien Faudot, porte-parole national du MRC, était ce week-end en Grèce. Sa formation était le seul parti politique français officiellement représenté auprès de Tsipras. Bastien Faudot a vécu le référendum au sein du quartier général de Syriza à Athènes.

L'Est Républicain : Vous avez eu plusieurs conversations ce week-end avec Tassos Karonakis, secrétaire général de Syriza et négociateur grec à l’Eurogroupe. Que dit-il ?
Bastien Faudot : Il nous a expliqué les enjeux politiques et la stratégie qui est celle de Syriza pour obtenir une renégociation de la dette, car c’est l’enjeu véritable ici.

Une des critiques contre ce référendum est qu’il a été organisé rapidement, qu’il ressemble à un plébisicite et que les conséquences n’ont pas été assez expliqués.
Oui, cela c’est le nouveau dogme de la technocratie européenne qui est assez largement relayée dans toutes les élites en France. Quand on redonne la parole au peuple, on démonétise par avance le cadre de son expression. Si le oui l’avait emporté, je parie que tout ceux qui critiquent ce référendum y auraient trouvé une légitimité à poursuivre les politiques d’austérité.

Comment avez-vous trouvé la population athénienne ?
Elle a beaucoup de sang-froid. Ce qui revient souvent, y compris chez des gens qui ne soutenaient pas Tsipras en janvier dernier, c’est qu’ils ont décidé de lui faire confiance. Ce qui revenait systématiquement, même chez les opposants, c’est que Tsipras a ouvert une ère nouvelle. Tous soulignent son hônneteté et celle de son équipe. Ils n’occupent pas le pouvoir, ils l’exercent, et cela fait une grosse différence. D’ailleurs le choix du référendum témoigne qu’il n’était pas dans la logique de s’accrocher au pouvoir, car le risque était très important. Il n’a été élu en janvier qu’avec 37 % des voix. Il n’avait pas une majorité assurée, surtout après les choix qui ont été faits par les institutions européennes la semaine dernière. En rabotant les liquidités qui ont causé la fermeture des banques, les institutions européennes ont mis en oeuvre une pression significative sur l’électorat grec. pour l’encourager à voter oui. Le peuple grec a fait preuve d’une capacité de résistance invraisemblable à cette pression. L’autre chose remarquable, c’est qu’ils ont retrouvé le peuple...

Ils ? Les responsables politiques ?
Oui, je parle de Syriza en particulier. Athènes a considérablement changé. La crise est très présente. Une boutique sur deux est fermée. La patrimoine privé, comme public, n’est plus entretenu du tout. Les routes sont défoncées. Cela me rappelle davantage Beyrouth que l’Athènes que j’ai connue en 2005. Et pourtant, c’est le paradoxe, on a rencontré une jeunesse soudée, concernée, avec un dynamisme politique assez incroyable. Pour moi, c’est la grande instruction de ce séjour ici.

J’en reviens aux commentaires français de ce matin, qui avancent que Tsipras fait basculer son peuple dans l’inconnu et l’expose à de grands dangers.

Son pays a basculé dans la crise avec l’ensemble des générations politiques qui ont suivi la chute des colonels, qui ont fonctionné comme de véritables dynasties entre la droite et les socio-démocrates. Tsipras n’a aucune responsabilité dans le fait que la Grèce soit aujourd’hui endettée à plus de 180% de son PIB. Il n’a pas joué la crise. Aujourd’hui, les Grecs ne peuvent plus supporter les potions d’austérité qui leur ont été infligées. Les retraités qui vivent avec 400 € par mois n’ont plus les moyens de se loger...

Mais les Bulgares, les Bulgares voisins, gagnent encore moins, et ne sont pas dans cette démarche.
Il n’y a pas que le revenu, il y a aussi le pouvoir d’achat. Les prix en Grèce sont plus proches des nôtres que ceux de la Bulgarie.

Et la perception de la France ? Y-a-t-il une attente ou une déception ?
Les deux. Les Grecs déplorent de ne pas avoir trouvé les relais qu’ils espéraient auprès du gouvernement français. Cela nous a été dit officiellement à plusieurs reprises. Pour autant, ils ne considérent pas que la France joue historiquement le même rôle que l’Allemagne. Ils ont bien compris que le gouvernement français était pris entre deux feux, mais ils attendent de François Hollande qu’il devienne un allié. Ils desespérent un peu de ne rien voir venir.

Que répondez vous à la présentation du vote grec comme un vote nationaliste, qui met en danger l’Europe ?

Le nationalisme, c’est la maladie de la nation, mais ce n’est pas de cela dont il s’agit. On a affaire à un peuple, grec, qui vit avec une grande difficulté son quotidien et qui a conscience que le seul moyen pour lui d’avoir la capacité d’agir et de reprendre en mains son destin, c’est de s’’exprimer comme peuple grec. Les autres peuples, les autres gouvernements européens, ne leur sont d’aucun secours. Ce qu’ils veulent, ce n’est en aucun cas sortir de l’Europe, ni même sortir de l’euro. Par le vote de dimanche, il demande une solidarité, en restructurant leur dette.

A votre sens, des phénomènes de même nature peuvent-ils se produire dans d’autres pays européens ?
On sent monter, notamment en Espagne avec le mouvement Podemos, des mouvements cousins. Il y a dans d’autres pays europénes des formes d’expression politiques similaires...

Mais très divisée en France. A gauche, entre le MRC, le PCF et le Parti de Gauche, il n’y a pas d’union politique.

Il n’y a pas d’union, mais il y a un certain nombre de convergences. Et aussi avec les frondeurs au Parti socialiste, une bonne trentaine de députés, peut-etre cinquante. Ce qui se passe au PS, c’est qu’il y a une majorité qui a décidé d’assumer un virage libéral. On entend parler de droite decomplexée. On peut considérer que l’aile droite du PS, c’est la droite complexée., mais aujourd’hui ils sont de plus en plus décomplexés et assument une réorientation économique qui n’a plus grand chose à voir avec l’idéal de transformation sociale et de lutte contre les inégalités. A côté, il s’agit de constituer une alternative politique qui soit crédible. Ceux que j’ai rencontrés chez Syriza, ce ne sont pas des crypto-communistes avec le poignard en travers de la gueule. Ceux que j’ai rencontrés ont le sens des responsabilités et sont raisonnables, issus du mouvement populaire. Ce ne sont évidemment pas des énarques. ce sont d’abord des militants politiques, des gens issus de la société dans toute sa diversité. C’est un mouvement d’en bas, Syriza.

Vous avez quand même la difficulté du Front national, qui est pour la sortie de l’euro, a une position souverainiste, et bénéficie de résultats électoraux sur des thématiques parfois proches des vôtres...

Le Front national est une immense arnaque. C’est un parti nationaliste au sens ethniciste du terme dans les années 80, allié avec la position économique d’Alain Madelin, l’ultra-libéralisme. Aujourd’hui, il tente de faire croire à un virage social-républicain mais c’est un mirage social-républicain. Il ne prospère que par l’effondrement du reste du système. Le jour où l’alternative républicaine à gauche sera en capacité de se constituer, le FN va se dégonfler comme un ballon de baudruche. Le fond du problème c’est que pour le moment il n’y a que Marine Le Pen qui occupe ce terrain-là. La question n’est pas la sortie de l’euro, mais le passage d’une monnaie unique à une monnaie commune qui redonnerait un outil de puissance politique aux gouvernements. Le FN pense par slogans, il ne pense pas. Cela ne fonctionne qu’en raison du délitement du paysage politique en France.

En Grèce, les socialistes défendaient le « oui »...
Oui, ils étaient avec la droite et le centre. : l’alliance des libéraux. Les socialistes grecs ne représentent plus grand chose, 3 % aux dernières élections. Si le PS français maintient ce cap là, je pense qu’il va, lui aussi, au devant de graves désillusions.

Source : L'Est Républicain

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