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Publié le Mardi 10 Décembre 2013 par Mouvement Républicain et Citoyen

Salariés détachés : Un accord européen qui permet de lutter contre les abus, mais laisse entière la question de la concurrence déloyale



Par Thierry Rochefort, délégué national au travail, lundi 9 décembre 2013.


Depuis 1996, selon une directive européenne, une entreprise établie dans un pays de l’Union Européenne peut détacher des travailleurs dans un autre Etat de l’UE pour y fournir un service pendant une période limitée. Dans ce cas l’entreprise étrangère peut appliquer les règles de son pays d’origine, sauf en ce qui concerne un noyau dur de règles protectrices clairement définies, pour lesquelles s’applique le droit du travail du pays d’accueil, notamment les règles salariales.

L’application de cette directive ne fonctionne pas pour au moins quatre raisons :
- Conçue avant l’élargissement à l’Est, dans une situation où les écarts de conditions sociales étaient acceptables, la directive n’est plus en état de jouer son rôle de protection dans un espace ouvert peu harmonisé
- Conçue initialement pour des métiers techniques spécialisés et qualifiés n’existant pas sur place, la directive s’étend désormais aux emplois non qualifiés, particulièrement dans le bâtiment et la restauration.
- Conçue pour une période temporaire courte, la pratique montre des périodes de détachement très longues notamment sur les grands chantiers.
- Enfin si les règles salariales applicables sont celles du pays d’accueil, les cotisations sociales sont celles du pays d’origine ce qui entraîne des distorsions de concurrence

En plus de ces défauts de conception, la Cour de justice s’est lancée dans une interprétation de plus en plus libérale. Elle a autorisé par exemple en 2008, une entreprise de construction polonaise à payer ses ouvriers détachés en Basse-Saxe moitié moins que le salaire minimum en vigueur dans le secteur du bâtiment du Land, sous prétexte qu’il ne s’agissait pas d’un SMIC national.

Comme l’ont montré les rapports parlementaires Savary et Bocquet, des situations proches de l’esclavagisme moderne se sont développées sur le territoire national en dépit des alertes répétées des organisations syndicales confrontées aux plaintes des salariés étrangers et français et à la montée des tensions entre ouvriers, susceptibles d’ouvrir la voie à tous les dérapages.

Désormais en France, tout le monde reconnaît que 350 000 travailleurs sont dans une situation de surexploitation, générant sur le territoire national un dumping social quasi généralisé notamment dans le bâtiment.

L’extrême-droite profite de ce désordre pour remettre en cause le principe général de libre circulation des travailleurs en se trompant de cible. En l’occurrence en effet, la question n’est pas celle de libre circulation, mais celle de la libéralisation de la prestation de service et de la concurrence déloyale qui peut en découler. Pour preuve, des entreprises de travail temporaire luxembourgeoises, sans activité réelle sur ce territoire, recrutent aujourd’hui des travailleurs français affiliés au régime local avant de les détacher vers une société française.

Pour améliorer la directive de 1996, les gouvernements français, allemands, belges et italiens ont obtenu le renforcement des contrôles dés qu’il ya présomption de fraude et proposent que chaque pays puisse fixer lui-même les documents nécessaires que l’on peut exiger d’une entreprise détachant des travailleurs. De manière plus volontariste encore, Paris a plaidé pour la responsabilité solidaire du donneur d’ordre et des sous-traitants. Un jugement très récent en France vient d’ailleurs de condamner une entreprise du bâtiment en tant que maître d’ouvrage.

Le projet français a abouti hier soir grâce au ralliement de la Pologne et au fait que les ambitions initiales se limiteront au secteur du bâtiment.

Si cette avancée doit être saluée, elle ne remet pas en cause le principe de la directive et le fondement de l’Union européenne basée sur la concurrence libre et non faussée.
Si l’Europe ne protège pas ses citoyens et les salariés, le devoir des Etats est d’agir sans attendre. Au delà de ce dossier précis nous voyons bien la nécessité de remettre l’Europe sur ses pieds en partant des nations et des intérêts du plus grand nombre. Gageons que nous en reparlerons à l’occasion des élections européennes de mai.

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