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Publié le Mardi 30 Août 2016 par Mouvement Républicain et Citoyen

Mort du TAFTA : une victoire démocratique qui doit peu aux gouvernants


Mots-clés : tafta

FIGAROVOX/TRIBUNE - Le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur a annoncé la fin des négociations sur le traité transtlantique. Pour Paul Zurkinden, le TAFTA est enterré pour des raisons économiques. Son caractère anti-démocratique n'a pas motivé cette fin.


Mort du TAFTA : une victoire démocratique qui doit peu aux gouvernants
Le traité transatlantique semble enterré: successivement, le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, a constaté l'échec des négociations et Matthias Fekl, le secrétaire d'État français en charge du Commerce extérieur a demandé la fin de celles-ci.

Si l'échec de ce traité constitue une victoire pour tous ceux qui considéraient que cet accord commercial ne servait ni l'Europe ni la France, qu'il marquait une régression de la délibération démocratique sans précédent, tant au niveau des modalités prévues dans ce traité que par son mode de négociation opaque, il convient toutefois de tirer les enseignements de ce que fut durant trois ans, une nouvelle tentative de mise sous tutelle de la souveraineté nationale.

Car ne nous y trompons pas, ce qui semble contesté par le gouvernement français et allemand dans le traité transatlantique, c'est avant tout la faiblesse des retombées qui pouvaient en être attendues pour les économies européennes. En effet, les études économiques qui ont tenté d'évaluer l'impact économique du traité, - Center for Economic Policy Research (2013), Fondation Bertelsmann et Ifo Institut (2013) - si elles annonçaient des retombées économiques positives en Europe en terme de croissance et d'emploi (respectivement 119 milliards d'euros en 2027 dans le scénario le plus optimiste et 1.4 millions d'emplois en Europe) étaient largement contestables du fait de l'absence d'évaluations sur les impacts de l'ajustement des normes et ont été en particulier contredites par la Commission européenne et le Parlement européen. Par ailleurs, il convient de noter que de nombreux domaines pour lesquels les États-Unis disposent d'avantages comparatifs considérables n'étaient pas compris dans le traité. Concrètement, il n'était pas question de mettre en place des taux de change fixe entre l'euro et le dollar, alors que ce dernier constitue la plus importante monnaie d'échange au monde et que la Réserve fédérale dispose d'un cadre règlementaire bien plus souple que la BCE, lui permettant si besoin d'effectuer des dévaluations et donc de gagner mécaniquement en compétitivité face au marché européen. Par ailleurs, de nombreuses mesures de protection de l'économie américaine ne semblaient pas faire l'objet de discussions alors que l'Union européenne ne dispose pas d'équivalent: l'International Trade Commission (possibilité de mesures unilatérales de protection du marché) et le CFIUS (possibilité de veto sur tout investissement étranger), constituaient ainsi un maquis juridique capable de mettre en difficulté les investissements européens aux États-Unis.

C'est pour ces raisons que le gouvernement a choisi de rompre les négociations et il convient de saluer ce choix: c'est également le résultat d'une mobilisation citoyenne sans précédent contre ce projet aussi complexe qu'opaque. Mais au-delà de l'aspect économique, ce qui n'a jamais été contesté, ce sont les modalités même de ce type de traité, qui n'ont suscité aucun émoi parmi une énorme majorité des responsables politiques. Car les négociations du traité transatlantique, comme celle du CETA avec le Canada ou du TISA pour la libéralisation des services publics, constituent une réalité nouvelle dans les relations internationales qu'il convient de ne pas de prendre à la légère. Il s'agit d'accords de nouvelle génération qui, au-delà de la diminution des droits de douane étendent leurs dispositions à l'ensemble des champs commerciaux par l'instauration de normes internationales. Concrètement il s'agit de gouverner les peuples par des traités qui, une fois ratifiés deviennent inamovibles. C'est quelque chose que l'on connaît déjà au niveau européen puisqu'y sont constitutionnalisées par avance toutes les dispositions issues des traités européens (règlements, directives, décisions de la Cour de Justice de l'Union européenne). Ainsi, le traité transatlantique, comme le traité de Lisbonne et les autres traités en cours de négociation, ne sont plus de simples traités commerciaux, mais constituent en réalité de véritables modes de gouvernement de la politique intérieure des États.

C'est principalement cette manière antidémocratique de gouverner les peuples qu'il convient de remettre en cause. Si le traité transatlantique a été une preuve supplémentaire que le cadre naturel de l'expression démocratique est le cadre national, l'échec des négociations appelle également à remettre en cause les traités européens afin de redonner le contrôle de leur destin aux peuples.

Car qui parmi nos responsables a remis en cause le fait que ce soit la Commission européenne qui, à rebours des souverainetés nationales, ait été en charge des négociations sur le TAFTA parce que les gouvernements successifs ont accepté que la politique commerciale de la France se décide à Bruxelles? Qui parmi nos responsables s'est indigné des négociations, opaques pour les représentants légitimes des peuples et transparentes pour les groupes d'intérêts constitués? Qui a remis en cause le fait qu'un traité international qui se négocie sans les peuples puisse décider de leur mode de vie? Qui, enfin, s'est révolté du fait qu'aucune des dispositions prévues dans ces négociations n'auraient pu être remises en cause par une délibération démocratique? Les responsables politiques ont préféré organiser l'impuissance de l'État et l'obsolescence de la souveraineté populaire dans un unanimisme béat.

Si c'est la raison économique qui a conduit à l'abandon du traité transatlantique, il convient avant tout de rester vigilant sur nos principes démocratiques car, comme le disait Bernanos «ce sont les démocrates qui font les Démocraties, c'est le citoyen qui fait la République. Une Démocratie sans démocrates, une République sans citoyens, c'est déjà une dictature, c'est la dictature de l'intrigue et de la corruption».

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