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Publié le Jeudi 25 Juin 2015 par Mouvement Républicain et Citoyen

Le rapport Reda, ou la voix de son maître


Mots-clés : culture, europe

Par Fabrizio Tribuzio-Bugatti, secrétaire national à la culture et à la francophonie, jeudi 25 juin 2015.


Le rapport Reda, du nom de l’eurodéputée Julia Reda, fut commissionné par le Parlement Européen dans le but de trouver une solution quant à l’harmonisation des droits de la propriété littéraire et artistique en Europe, notamment les fameux droits d’auteurs. Ce rapport a de quoi soulever nombre d’inquiétudes suite aux déclarations de Jean-Claude Juncker en automne dernier, appelant à « briser les barrières nationales en matière de réglementation du droit d’auteur et de la protection des données » (Marianne du 6 Octobre 2014).

Ces évolutions ont un écho particulier en France, où les droits d’auteurs sont assimilés à la personnalité même de l’auteur. Et pourtant, sans aller très loin dans la lecture, nous comprenons toute la vacuité du rapport dès l’entame, où son autrice dénonce le système du « copyright » sans le citer, tout en aspirant à l’instauration d’un « copyright européen » !

La lettre du rapport nous rappelle en effet à la lourde chape de plomb européenne, qui tend à démanteler les régimes protecteurs. Il est toujours sidérant de constater à quel point les technocrates de Bruxelles ne voient les choses qu’à travers une logique de marché, sinon de consumérisme. L’eurodéputée use des termes « électeurs » et « consommateurs » pour traiter la question de la propriété intellectuelle, comme si l’on était en présence d’une simple marchandise. Quant aux auteurs, il n’en est en fait que très peu question. Sollicitée naturellement par les lobbyistes, Julia Reda a octroyé la majeure partie de son temps aux fournisseurs d’accès et aux internautes ; les auteurs n’en constituent qu’une tranche infime ! Nous trouvons ainsi, entre autres, la proposition inconstitutionnelle de permettre à l’auteur de renoncer à ses droits sur son œuvre, ou encore celle d’ôter toute protection aux œuvres tombées dans le domaine public, sans la moindre interrogation sur les dérives éventuelles d’un tel système (copies, dogme de la libre-circulation au mépris de la notion de territorialité, etc.).

Enfin, ce rapport brille par sa contradiction principale, celle de vouloir « protéger » les exceptions européennes des droits d’auteur tout en voulant les « harmoniser » ; comprenne qui pourra ! En réalité, nous retrouvons ici toute la sémantique bien connue de la « flexi-sécurité » transposée, sous couvert de « libéralisation » culturelle. C’est à se demander si le sacrifice de la protection des œuvres et de leurs auteurs prévu dans le rapport Reda ne serait pas le brouillon du fameux TAFTA dont Jean-Claude Juncker souhaite la ratification le plus rapidement possible… Rappelons que la fameuse « exception culturelle » dont nous nous prévalons ne recouvre aucune réalité juridique dans le droit européen. Ainsi, le Traité transatlantique ne permettra aucune subvention au secteur du Livre dans le but d’en promouvoir les acteurs, ni le prix unique du livre, sans compter les dispositifs de protection qui ne seront tolérés que s’ils ne sont pas « discriminatoires ». Autant dire que toute notre politique culturelle serait réduite à néant.

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