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Publié le Mardi 19 Juillet 2011

Le Festival d’Avignon trahit son idéal populaire


Mots-clés : culture

Tribune d'Olivier Amiel, délégué national du Mouvement Républicain et Citoyen à la culture, parue dans Le Figaro du lundi 18 juillet 2011.


Le Festival d’Avignon trahit son idéal populaire
En affirmant dans Le Figaro qu’il a le sentiment que le Festival d’Avignon serait devenu : « Le lieu d’une secte qui rejette les grands textes » , Fabrice Luchini relance un débat nécessaire sur le in de la plus importante manifestation théâtrale au monde. En effet, la programmation « hermétique », « élitiste » voire « trop exclusivement avant-gardiste » des dernières années peut sembler trahir l’idéal originel du festival.

À partir de 1947 dans la Cité des papes, puis au Théâtre national populaire (TNP), en 1951, Jean Vilar a permis ce que Chantal Meyer-Plantureux, professeur en arts du spectacle, considère comme un « aboutissement » (1) du combat mené par de nombreuses personnalités pour le théâtre populaire.
L’idée est ancienne avec ce que Jules Michelet nomme la « théâtrocratie » du temps de la Grèce antique, et que les révolutionnaires français ont désiré remettre au goût du jour. Ce concept de théâtre « par et pour » le peuple va s’affiner et s’organiser, du théâtre de Bussang de Maurice Pottecher en 1895 jusqu’au projet d’Eugène Morel en 1900, en passant par le « comité pour la création du théâtre populaire », composé notamment d’Anatole France, d’Émile Zola ou de Romain Rolland.

L’institutionnalisation d’un théâtre de qualité pour le plus grand nombre aboutit en 1920, grâce à Pierre Rameil, député des Pyrénées Orientales et auteur d’un rapport au nom de la commission des finances créant le TNP. L’homme politique catalan a alors ces mots d’une grande acuité et modernité : « L’art sous toutes ses formes, luxe de quelques-uns, cela choque péniblement notre sentiment démocratique ; mais quand il s’agit de théâtre né de la foule et fait pour la foule, l’illogisme apparaît plus flagrant. Le spectacle pour une élite restreinte est déjà un non-sens ; mais si c’est la fortune qui détermine arbitrairement cette sélection, le non-sens devient parfaitement odieux. »
Cette brèche qu’a ouverte le théâtre populaire est à l’origine de toute la politique républicaine de démocratisation culturelle française, d’André Malraux à Jack Lang jusqu’aux combats juridiques et diplomatiques de la diversité culturelle au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Cependant, la question posée par Fabrice Luchini nous interpelle, car les « pères » du théâtre populaire défendaient l’idée d’une promotion de la création dramatique, mais surtout d’une offre variée pour le plus grand nombre, ce qui comprend les chefs-d’oeuvre du passé.
Or, si le Festival d’Avignon a fait d’importants efforts pour retrouver son âme par une politique tarifaire plus décente en direction notamment des jeunes, et par une délocalisation (lycées, quartiers, centre pénitentiaire…), il faut malheureusement regretter une programmation monolithique qui oublie bien souvent de satisfaire les trois conditions que doit réunir le théâtre populaire d’après Roland Barthes : « Un public de masse, un répertoire de haute culture, une dramaturgie d’avant-garde. »

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(1) « Théâtre populaire, enjeux politiques », Éditions Complexe, 2006.


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