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Publié le Mardi 16 Juin 2015 par

"La République a de l'avenir !"



Discours de clôture du Congrès de Paris par Jean-Luc Laurent, réélu Président du MRC, dimanche 14 juin 2015.


Seul le prononcé fait foi

Je disais hier combien je considérais ce congrès important, combien il constituait une étape dans notre histoire et dans celle de la gauche républicaine. L’annonce de Jean-Pierre Chevènement, par son message hier, m’aura donné raison sur ce point plus que je n’imaginais.

La décision de Jean-Pierre Chevènement de quitter le Mouvement Républicain et Citoyen, dont il était président d’honneur, afin de « reprendre sa liberté », ne réjouit personne. Je déplore cette décision au regard de tout ce que nous avons fait à ses côtés : je considère que Jean-Pierre a toujours été un homme libre, que le MRC n’a jamais entravé cette liberté. Bien au contraire le MRC a été le moyen pour Jean-Pierre Chevènement comme pour nous tous, d’être libres. Jean-Pierre nous a élevé, par sa hauteur de vue et sa stature d’homme d’Etat. Il est celui pour qui je me suis engagé en politique il y a maintenant 40 ans et je suis sûr qu’il en est ainsi pour beaucoup d’entre vous.

Je tiens donc à le remercier pour son combat, pour ce qu’il nous a apporté mais également pour ce qu’il a apporté et continuera d’apporter à la gauche et à la France. Les fils tissés tout au long de ces années de militantisme ne vont pas se couper. Car j’ai une trop haute idée de la pertinence de nos analyses, et pour qu’elles soient incarnées et portées par de nouvelles générations.

Le MRC est un parti politique et comme tout parti politique, il a le devoir d’être toujours en marche, tourné vers l’avenir : 2017 bien sûr, mais au-delà car il faut voir loin. Un parti politique a le devoir de rester toujours fidèle aux idées qui l’ont fondé et, je vous l’assure, nous le serons. Car avec Jean-Pierre Chevènement, nous sommes d’accord sur l’essentiel et cela a toujours été. Cela n’a pas de raison de cesser, quand bien même les chemins semblent se séparer. Nous nous ne renonçons pas au chevenementisme, magnifique doctrine politique qui a tant à offrir au pays.

Seulement, oui, nous sommes en désaccord sur la stratégie. En désaccord sur la préparation de l’élection de 2017, à laquelle je considère que nous ne pouvons pas renoncer. En désaccord sur les alliances et le dialogue privilégié avec les « Républicains de l’autre rive » qui, à notre sens, est une voie sans issue. Et quand il y a désaccord, il faut débattre puis décider. Lorsque les désaccords subsistent encore et ne sont pas dépassés, il n’y a pas de drame à les constater et à le dire. Et qui sait ce que la vie nous réserve ? Car la meilleure attitude à avoir avec un ami, c’est de savoir lui dire non quand une erreur ou une bêtise risque d’intervenir.

Nous devons donc continuer, chers camarades, notre chemin et le rassemblement intervenu avec notre motion d’orientation issue de la commission des résolutions nous offre une base solide pour préparer la suite. Avec cette direction que vous venez d’élire, j’ai confiance dans notre capacité à affronter l’avenir car nous sommes lucides sur nos erreurs d’hier, toujours fidèles à nos valeurs et à notre projet, et plus déterminés que jamais à agir demain.

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Je ne brosserai pas le tableau de la situation internationale ni de celle de l’Europe. D’abord parce que j’en ai parlé lors de mon intervention d’ouverture du Congrès. Ensuite, parce que je crois que les motions ont très bien traité ces questions et qu’elles font consensus sur ces points. C’est aussi l’avantage du débat interne : nous rassurer sur les analyses qui nous rassemblent. Cependant, il faut regarder avec lucidité la situation et rappeler une évidence : celle-ci n’est pas bonne pour la France. Chômage, défiance verticale et horizontale, absence totale de perspective. Rien n’incite à l’optimisme si ce n’est notre foi inébranlable dans les atouts de notre pays. Et de ce point de vue, quel gâchis que ces 3 premières années de pouvoir pour le PS.

Quelle est la vérité des trois années écoulées depuis l’élection en mai 2012 avec notre soutien lucide ?

François Hollande porte d’abord la responsabilité d’un renoncement initial avec la ratification sans renégociation du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG). Ce renoncement est central puisqu’il commande l’essentiel des choix économiques et sociaux du gouvernement. Faire une politique de compétitivité, dans un contexte budgétaire correct et en travaillant sur les véritables facteurs de croissance n’a rien à voir avec une politique qui porte le même nom mais qui est faite avec une politique budgétaire récessive, qui veut faire reculer le coût du travail et déréguler le marché du travail. En s’appuyant sur les préconisations du rapport de Louis Gallois à l’automne 2012, la majorité aurait pu mener une tout autre politique de compétitivité. Le TSCG c’est le choix capital qui transforme l’or en plomb. C’est cela que nous n'acceptons pas.

Il y a certes une différence entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Nicolas Sarkozy pratiquait une forme de suivisme européen, dans lequel les concessions allemandes portaient essentiellement sur la mise en scène du directoire franco-allemand en Europe. L’illusion était loin de tromper tout le monde. François Hollande a choisi la stratégie d’effacement aux premiers signes de l’échec –prévisible—de la politique budgétaire récessive. La France a commencé à rechercher le passage entre les gouttes. Le point d’aboutissement étant le silence glacial sur la situation de la Grèce après la victoire de Syriza en janvier dernier. Là où il fallait y trouver l’argument d’une nouvelle donne en Europe, un allié…le gouvernement a alterné le silence et quelques appels à la mise au pas du gouvernement grec. Avec d’autres arguments et avec un autre projet, Thomas Piketty le rappelait il y a quelques jours, l’Europe est une affaire de rapport de forces. Mais voilà, le François Hollande est assez étranger au rapport de forces. La figure de proue est la figure de Pierre Moscovici qui passe insensiblement de Bercy à Bruxelles, qui passe de contrôlé à contrôleur, de sermonné à sermonneur. Placer la France dans le continuum européen, dans l’orthodoxie de Bruxelles, c’est la conduire la France à s’effacer.

Nous ne pouvons pas suivre François Hollande dans cette exploration du Jardin des Délices du social-libéralisme sous la baguette experte d’Emmanuel Macron.

Nous ne pouvons pas non plus suivre le Président de la République dans ses velléités de réformes institutionnelles, pour le moment en grande partie platonique. A six mois des régionales, le retour à l’ordre du jour du parlement de la charte des langues régionales conduira le MRC à voter contre ce projet. Il ne s’agit pas d’un petit sujet, la co-officialité n’est pas un petit sujet. La voir portée par l’alliance de quelques régionalistes convaincus, de barons opportunistes et maitres-tacticiens auto-proclamés est un spectacle inquiétant. D’autant plus qu’en trois ans, la décentralisation aura vécu au rythme de la réforme permanente, des ordres et des contre-ordres, des régions élargies et affaiblies par la sécession des métropoles, des départements condamnés, sauvés, en sursis. Là où l’organisation territoriale de la République appellerait une vision claire, des principes u-n-i-f-or-m-e-s, nous avons eu droit à des initiatives sans colonne vertébrale, ballottée au gré des rapports de forces locaux et des résultats électoraux. Non, la France ne peut pas s’offrir le luxe de la ratification des langues régionales pour raisons électorales.

Voilà pour le bilan actuel bien terne d’un Président auquel nous avions apporté notre soutien. Certains pariaient en 2011 sur le hollandisme révolutionnaire, nous sommes aujourd’hui face au hollandisme conformiste sur le plan européen, ce qui est l’essentiel. Les résultats sont là et nous devons en tenir compte pour la suite de notre chemin, car il s’agit aussi de notre échec, celui d’une stratégie d’influence qui n’a pas porté ses fruits.

Dire que nous avons été inaudibles ces 3 dernières années serait faux : nous nous sommes fait entendre quand il le fallait. Dire que nous avons été captifs de nos accords aussi : nous avons fait valoir des désaccords avec la majorité. Nous sommes au clair avec nous même, fidèle à notre charpente idéologique. Mais soyons raisonnables : comment pourrions-nous soutenir François Hollande flanqué d’un tel bilan en 2017 ?

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La question de notre présence à l’élection présidentielle de 2017 a suscité beaucoup de débats. N’est-il pas trop tôt ? Est-ce le bon moment pour en discuter ? Je répondrai à cela deux choses :

- Tout d’abord, la décision de nous présenter ou non à l’élection cardinale appartient aux militants et non à quelques-uns d’entre nous. Et je ne connais pas de meilleur moment pour donner la parole aux adhérents et trancher ensemble qu’un Congrès, dont le rôle est précisément de décider de nos orientations pour les années à venir. Que la question de 2017 soit centrale dans ce 7e congrès du MRC n’est pas simplement normal, c’est une exigence démocratique et de clarté que nous devons à tous nos militants !

- Ensuite, je ferai un rappel simple : nous sommes en juin 2015, soit 2 ans à peine avant la prochaine élection. Le temps passe vite, surtout en politique et je ne crois pas aux campagnes échafaudées sur un coin de table, ni à celles où l’on attend désespérément un signe pour se lancer dans la course. Nous savons tous comment ces campagnes finissent. Nous savons tous combien elles ébranlent notre crédibilité et meurtrissent tous ceux qui avaient placé des espoirs en nous. Si nous voulons en être digne et véritablement aller au bout de nos capacités à nous présenter à l’élection de 2017, la campagne commence maintenant.

Alors, non il n’est pas trop tôt pour trancher ces questions et oui, nous avons eu raison d’en débattre. Le texte issu de la commission de résolution des conflits est clair : notre volonté collective est d’y aller, de nous préparer dès aujourd’hui à cette échéance avec nos propres moyens et notre programme.

Préparons-nous donc à partir en campagne mais préparons-nous également à prendre des coups et préparons-nous à y répondre, droits dans nos bottes, comme toujours.

Certains vous diront que la montée du Front national menace et que c’est faire son jeu que de contribuer à la division de la gauche : nous connaissons bien cela, jurisprudence 2002 oblige. Mais que ceux qui nous font ce reproche s’interrogent d’abord sur leurs erreurs. Pourquoi la gauche est-elle si faible et divisée aujourd’hui ? Pourquoi le marchandage et la pression sont-ils les seuls arguments pour ramener autour d’une table ceux qui, il y a 30 ans, avaient en commun les valeurs et la volonté de changer le réel ? Que ceux qui nous font le reproche de la division travaille le programme avant les alliances, les fondamentaux plutôt que les questions d’appareils.

Car le Front national se nourrit des renoncements de la gauche, de ses échecs. Il n’est fort que parce que nous sommes faibles et que nous ne parvenons plus à parler au peuple. Est-ce rendre service à la gauche que de nier cette réalité, que de la masquer par un rassemblement factice qui ne nous épargnera même pas la défaite ? Le MRC répond non ! C’est en allant à la rencontre du peuple français, en lui proposant une véritable alternative, que la gauche sera fidèle à elle-même et qu’elle pourra espérer renouer avec le succès. Si les autres partis politiques n’en sont pas capables : Dont acte, nous y allons. La France a besoin d’une gauche républicaine, sociale et attachée à la souveraineté. Qui mieux que nous pour porter ce discours ? Poser la question, c’est y répondre : personne.

D’autres vous diront qu’une candidature alternative à gauche peut se dégager et qu’il faut s’y tenir prêts, voire l’encourager, plutôt que de se lancer sous nos propres couleurs. Je l’ai déjà dit tout à l’heure : je ne crois pas qu’attendre, bras croisés, la candidature providentielle, comme certains scrutent le ciel en attendant la pluie ou le soleil, soit très efficace. Rien ne nous dit qu’une telle candidature arrivera un jour. Le nom d’Arnaud Montebourg est revenu quelques fois ce week-end, presque aussi souvent que chez nos amis socialistes dimanche dernier après sa tribune dans le Journal du Dimanche. Sa présence dans le débat est utile, elle est même salutaire. Sera-t-il candidat ? Le souhaite-t-il ?

Mes camarades, il nous faut, comme souvent, compter avant tout sur nos propres forces. Et elles ne sont pas si modestes qu’on veut bien le dire. Ne faisons pas de complexes. Nous avons les idées claires et des analyses solides, nous avons des moyens financiers, humains avec une jeunesse dynamique et des responsables de talent. Alors pourquoi y aller ? Mais tout simplement parce que nous avons toutes les raisons d’y aller !

Je propose donc de lancer, dès l’installation du nouveau secrétariat national, la conception de notre programme pour 2017 ainsi que la collecte des parrainages avec un responsable désigné au sein de la direction. Ce processus de préparation sera accompagné par la création de comité locaux citoyens pour travailler notre ancrage sur le terrain et renouer, de manière concrète, avec la population.
Bien sûr, pas de présidentielle sans candidat derrière qui tout le parti sera uni : c’est pourquoi je propose également que ce soit vous, militants, qui puissiez designer au premier trimestre 2016 celui qui portera nos couleurs.
2017 est le cap : nous aurons besoin de tout le monde pour être au rendez-vous et porter cette parole unique au sein de la gauche. L’enjeu de cette campagne dépasse donc de loin nos questions internes : c’est de la reconstruction de la gauche qu’il est question. Nous aurons un rôle à jouer.

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Catherine Coutard citait hier cette belle image de Didier Motchane lors d’une soirée d’échanges, l’an dernier à Caen : « la petite lumière », et celle de Jean-Yves Autexier : « la bougie qui peut éclairer de grands espaces sombres ». C’est notre rôle d’être les conservateurs des principes républicains et de l’exigence républicaine. Pas des conservateurs de musée, mais des gardiens actifs, de combat, qui luttent, qui convainquent, qui résistent à l’air du temps, aux facilités, aux modes, aux intérêts, aux idéologues du tout marché, des gardiens de la République en vrai qui rénovent, qui réparent…et non des réformateurs qui normalisent aux standard de l’Europe et de la mondialisation.


Je n’ai pas lancé la procédure judiciaire contre l’UMP de gaité de coeur. Nous avons trop conscience que la judiciarisation de la vie sociale, de la vie publique est une plaie pour ne pas avoir quelques réticences à se lancer dans une telle procédure. Mais il fallait bien rappeler des limites, contre-carrer cette opération de captation. Tout le monde est républicain et personne ne l’est, c’est le propre d’une utopie politique. La République est toujours à venir, la République est exigence vis-à-vis de soi-même, émancipation et lutte contre des forces adverses. La République c’est d’abord bien la simple forme républicaine, mais aussi l’ensemble de notre patrimoine républicain : une histoire, des principes, des grandes lois, des institutions. La République, c’est aussi ce programme politique néo-républicain façonné à partir du milieu des années 80 par Jean-Pierre Chevènement pour répondre à la crise de la France et à la crise de la gauche. Une histoire, des idées, un programme, des principes… la République n’est à pas un passé, la République a de l’avenir.

Voilà pourquoi l’OPA de Nicolas Sarkozy est odieuse, parce qu’elle brouille parce qu’elle corrompt. On l’a vu à l’oeuvre face à la demande d’autorité ou d’énergie. Il a eu le flair de bien identifier ces aspirations, de les chevaucher avant de totalement les dévoyer en conflictualité permanente et en agitation insécurisante. Nous n’avons pas le droit de lui laisser faire la même chose avec la République. Et les enjeux sont encore plus importants et cette procédure difficile et risquée n’est que la petite partie d’un tout qui doit être notre grand combat pour faire vivre la République, pour éviter qu’insensiblement la France, notre pays, notre nation, se mue en une simple démocratie, ordinaire, normalisée, une région démocratique dans la grande gouvernance européenne. Voilà le sens de notre combat, de notre mobilisation, de notre parti. C’est un combat qu'il nous faut mener pour montrer et affirmer que la République a de l’avenir !

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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