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Publié le Mercredi 21 Janvier 2015

Du sursis au sursaut



Tribune de Claude Nicolet, Secrétaire national en charge de la Citoyenneté et de la Laïcité, parue dans la rubrique Figarovox du Figaro.fr, mercredi 21 janvier 2015.


Les heures tragiques que la France vient de traverser, l'ampleur de la réaction du peuple français ont permis de lancer un certain nombre de débats qu'il était littéralement interdit d'ouvrir dans notre pays jusqu'à présent. Où, à tout le moins, étions nous ringardisés, renvoyés aux placards de l'histoire; au mieux on vous considérait avec un peu de pitié, comme une relique, un vestige d'un temps très ancien n'ayant plus aucune utilité, même décorative. Je me souviens des insultes reçues lors de la campagne contre le traité de Maastricht («Nationalistes, fascistes, mélange des voix avec le FN…»), de celles reçues en 1986 lorsque Jean-Pierre Chevènement avait demandé l'apprentissage de la Marseillaise à l'école, ou des noms d'oiseaux lors de l'épisode des sauvageons en 97/98…

La République, la Nation, la question sociale, l'égalité, la souveraineté nationale (celle des peuples), le patriotisme, la laïcité…Tout cela avait comme un parfum d'enfance, un vague souvenir parfois teinté de nostalgie mais tellement désuet... Un mélange de Pagnol, de Péguy, de Jaurès, de Clémenceau…C'était beau mais c'était fini. Brasillach est passé par là et finalement le voyage de Sigmaringen l'a emporté sur le passage à Londres. Le mot de Malraux était donc vrai, de Gaulle n'avait fait que «porter pendant quarante ans, le cadavre de la France.»

Fondamentalement, ce qu'il fallait accepter, c'est que la France avait vécu. Qu'au mieux elle ne pouvait plus espérer que «passer entre les gouttes.» Qu'elle avait fait son temps. A toute force, il fallait nous le faire comprendre et nous faire admettre que 1983, n'était que l'ordalie qui nous servirait à comprendre le jugement de Dieu, à savoir que, dorénavant, l'avenir ne pouvait être qu'Européen, libéral et néoconservateur. La messe était dite.

Les structures qui fondent l'identité d'un peuple et s'appuient sur son histoire devaient à toute force être transformées comme on transforme les données d'une équation afin d'obtenir le résultat souhaité.

Le bout de la route est un immense «malaise dans la civilisation» par lequel se sont engouffrées toutes les craintes du monde, toutes les «identités meurtrières», toutes les violences générées par le choc des individus projetés les uns contre les autres, s'organisant en «communautés» grâce auxquelles ils enterrent avec ardeur l'héritage des Lumières.

En effet, comment demander d'aimer un pays dont le destin est désormais hors de lui-même, de son histoire? Comment demander à des individus de faire Nation, de faire France, de faire République, si l'essentiel n'est plus là? Comment demander à des hommes et des femmes d'élever leurs enfants dans l'amour du pays, dans l'adhésion aux valeurs de la République, si en réalité tout cela n'est qu'un théâtre d'ombre destiné à faire illusion jusqu'au moment du grand sabordage? La vocation de la France serait de n'être plus qu'un appendice de l'Union européenne, elle-même relais fidèle de «l'Occident». Une «sortie de l'histoire» sans gloire, sans grandeur et qui se terminerait dans le chaos.

Si La République est rongée de l'intérieur par les préférences communautaires, ethniques, religieuses, alors oui elle est condamnée à mort.

Mais il y a eu les marches des 10 et 11 janvier partout en France. Et soudain, sans que l'on puisse parler de miracle, un vieux peuple, un peuple qui s'est fabriqué dans le sang et les larmes, dans les batailles et la fureur, mais aussi dans la douceur de vivre et la délicatesse avec sa cuisine et ses vins, sa littérature, son art de l'amour et de l'esprit, ces deux jours-là, ce vieux peuple politique et poétique a peut-être décidé de reprendre sa marche en avant.

Devant ce qu'il a considéré comme étant inacceptable, c'est-à-dire abjurer sa propre histoire et ce qu'il a légué au monde, la Grande Révolution et la Liberté, ce vieux peuple qu'on voulait à genoux, ce vieux peuple tout perclus d'ans et d'épreuves, tente devant nous tous et à la face du monde, de se relever. Ce vieux peuple c'est nous tous.

Il lui faut secouer, non pas des tonnes de poussière, mais les liens innombrables qui l'entravent. Il faut aussi qu'il réussisse à se faire entendre. Il a déjà essayé tant de fois: le 10 mai 1981, aux législatives de 1993 et présidentielles de 2002, au référendum de 2005, aux européennes de 2014…Tant de fois on lui a dit qu'il se trompait, qu'il ne comprenait pas le «sens de l'histoire»… Mais lui sait très bien que ce sont les peuples qui font et qui sont l'Histoire.

Il connaît la patience. On lui a déjà fait le coup. Il se souvient de Marc Bloch et de l'Étrange défaite dans laquelle il a failli disparaître: «Quelle que soit la nature du gouvernement, le pays souffre si les instruments du pouvoir sont hostiles à l'esprit même des institutions publiques. A une monarchie, il faut un personnel monarchiste. Une démocratie tombe en faiblesse, pour le plus grand mal des intérêts communs, si ses hauts fonctionnaires, formés à la mépriser et, par nécessité de fortune, issus des classes même dont elle a prétendu abolir l'empire, ne la servent qu'à contrecœur».

Vieux pays fait pour les grands espaces, dont la voix porte dans le monde mais qui aime cultiver son jardin, il a, les 10 et 11 janvier derniers refusé de se courber davantage. Le peuple français, la Nation, la grande Nation, sans arrogance mais avec détermination s'est ébranlé à nouveau et a commencé à parler. A parler des maux dans lesquels il se dissout peu à peu.

Oui la France est notre Patrie et reste notre avenir. Il faut donc reposer la question européenne. Oui la France peut être fière d'elle-même. C'est la condition de base pour réussir l'intégration de celles et ceux qui veulent vivre dans notre beau pays. Oui son histoire est liée à celle de la Liberté.

Oui l'Égalité reste la promesse de la République qui doit être sociale, une et indivisible. La répartition des richesses et la nature de la relation entre les revenus du travail et du capital ne peuvent plus être considérées comme sans importance.

Oui la Laïcité doit partout prévaloir et nous ne devons nous positionner qu'en fonction des intérêts de la République, sans avoir à nous soucier de ce que dit telle ou telle sourate du Coran, tel ou tel verset de la Bible.

Oui la question sociale et la question nationale sont inséparables et il s'agit là d'un point déterminant.

Oui la souveraineté de la Nation est la condition de la liberté du Peuple français (comme des autres).

Oui nous devons retrouver le sens du Roman national.

Nous sommes tous confrontés à ces choix, aujourd'hui existentiels, qui permettront de réduire les tensions qui nous mettent à mal et sont lourdes de dangers. Il suffit pour s'en persuader de relire le livre d'Yves Lacoste «Vive la Nation» pour s'en persuader. Il y a déjà vingt ans…

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Source : FigaroVox

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