Lundi 15 Avril 2013

La loi Hôpital Patient Santé et Territoire : danger pour la santé publique ?



René CAILLET

Responsable du pôle Organisation Sanitaire et Médico-Sociale Fédération Hospitalière de France, Paris


La loi ne peut pas tout. Elle s’inscrit dans le contexte général de la montée du libéralisme de droite et de gauche qui a entrepris 11 réformes depuis une trentaine d’années dont 4 majeures depuis 2002.

Logique d’entreprise

L’objectif est de limiter les dépenses, les dépassements budgétaires n’étant plus autorisés depuis 2004. Aucun Etat n’a poussé aussi loin l’application de la tarification à l’acte qui concerne 85 % de l’activité des établissements hospitaliers publics et privés. Nous sommes entrés dans une logique d’entreprise : compétition exacerbée, publication de palmarès dont les citoyens sont friands. La Révision générale des politiques publiques (RGPP) est faite pour faire fondre toutes les dépenses de l’Etat, donc pour remettre en cause toute forme d’action publique considérée comme source de gâchis, d’inefficacité. L’Union Européenne ne reconnaît que les Services d’intérêt économique général (SIEG) et non pas le Service public dont les obligations sont différentes. Mise à part la psychiatrie, toutes les autres missions du service public pourront être soumises à la loi du marché. La crise générale renforce la nécessité de diminuer les dépenses de santé. En 2011, les tarifs des hôpitaux publics ont baissé de 1 %, mais de 0,05 % dans le privé.

Effet régulateur de la loi HPST

Dans ce contexte, la loi HPST est régulatrice, elle met des freins à la libéralisation. Des changements étaient nécessaires. Le budget global étouffait le fonctionnement de l’hôpital une fois le plafond atteint, et la souplesse de la tarification à l’activité est un avantage. Les liens entre l’hôpital et le domicile pour les maladies chroniques étaient mal organisés, et, sur ce point, la loi améliore la coopération avec le médico-social. Actuellement l’ARS dirige de fait, et la question du pouvoir est en effet importante. Aujourd’hui les malades demandent de plus en plus des modalités de soins que les médecins publics maitrisent mal, aussi est-il indispensable que l’hôpital se positionne sur les plateformes de santé, sinon le secteur privé va les accaparer. Dans son ensemble, la loi HPST offre des opportunités qu’il faut saisir, c’est pourquoi la Fédération Hospitalière de France l’a initialement soutenue. Roselyne Bachelot y avait aussi inscrit l’obligation de redistribuer sur le territoire l’installation des jeunes médecins, mesure essentielle pour assurer la permanence des soins.

Des risques de rupture

Les syndicats de médecins s’y sont opposé, ont provoqué le départ de la ministre, et la mesure est supprimée. Avec le ministre actuel, tous les points positifs qu’elle comporte sont retirés les uns après les autres. Les négociations vont être très difficiles, mais ce serait une erreur stratégique de la rejeter totalement. Si les élus locaux ne sont pas satisfaits de l’état actuel de la loi HPST, elle comporte encore des éléments de dynamisme sur lesquels le secteur public peut s’appuyer. Un exemple révélateur : lorsqu’une mission de santé est assurée par un hôpital, cet établissement est reconduit dans sa mission par l’ARS selon la version actuelle du texte. Si la mission n’est pas assurée, l’ARS désigne l’établissement public ou privé qui s’en charge.

Or le « guide des ARS » élaboré par le ministère précise que les missions effectivement assurées peuvent être reconnues comme prioritairement accordées à l’établissement après évaluation qualitative, quantitative et budgétaire, ce qui signifie qu’il n’y aurait plus de missions tacitement reconduites dans le secteur public et que l’ARS fera ce qu’elle veut en matière de dévolution des missions ! Ainsi l’imagerie, faite à 85 % par le privé, serait évidemment retirée à l’hôpital et totalement accordée au privé. L’hôpital public a perdu 9800 emplois en 2009, environ 10000 en 2010, et nous prévoyons 11000 en 2011. Avec 1 % d’augmentation autorisée et 2,3 % d’augmentation rien que pour le glissement vieillesse-technicité, la perte d’emplois va se poursuivre. La dégradation de l’accès aux soins et de la qualité sont évidentes, surtout dans le secteur des personnes âgées où les budgets sont en baisse et où des emplois disparaissent chaque année. Les patients deviennent un enjeu de première importance pour la prise de pouvoir par les partisans du libéralisme.

Après avoir dénoncé la « maltraitance », ils font la promotion de la «bientraitance » afin d’opposer les associations de patients à l’hôpital public dont les services se dégradent ; bientôt le thème de la violence à l’hôpital va apparaître, et si les associations de patients accréditent ces critiques, c’est le tapis rouge qui est tiré pour les établissements privés. Cette logique nous conduirait vers une Sécurité sociale minimale pour les pauvres, et au-delà chacun se paiera le dispositif qu’il pourra se permettre.

Que faire de cette loi ?

Il y a péril en la demeure ! Il y a dans le texte des avancées, mais le gouvernement les remet sérieusement en cause. Il faut donc se battre à partir de cette loi et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.


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