Samedi 14 Septembre 2013

PROJET DE LOI PINEL : L’AVENIR DES AUTO-ENTREPRENEURS EN JEU



Il est des entrepreneurs qui ne sont pas de grands patrons. Il est des entrepreneurs qui n’ont pas de salariés. Il est des entrepreneurs qui ont créé leur propre emploi. Ce sont les auto-entrepreneurs. Ils sont plus de 800.000 en France [[1]].



Ce statut d’auto-entrepreneur, créé en 2008, allie indépendance et régime fiscal avantageux dans le cadre de la micro entreprise, selon le principe du zéro chiffre d’affaire, zéro charges à payer. Or, Sylvia Pinel, ministre déléguée à l’artisanat, au commerce et au tourisme, a prévu de réduire certains avantages accordés aux auto-entrepreneurs. Un plafond de 19.000 euros de chiffre d’affaire annuel sur deux ans serait fixé, au dessus duquel nul ne pourra plus prétendre à ce statut[[2]]. Un plafond équivalent à un peu plus d’un SMIC brut sur un an. Il est actuellement de 32.600 euros. Nombreux sont ceux qui seront amenés à prendre le statut d’entrepreneur, moins avantageux, quand d’autres devront se brider pour ne pas changer de catégorie et conserver ce qui est pour beaucoup un complément d’activité, un deuxième revenu.

Un tel projet de loi me semble inadapté et inabouti. C’est aussi ce que clament plus de 115.000 signataires de la pétition des Poussins, groupe qui s’est formé contre le projet de loi. Obscures sont les motivations de madame Pinel, qui ne semble elle-même pas en accord avec le gouvernement. L’idée est probablement de revoir une loi encore imparfaite votée sous Nicolas Sarkozy. Mais il y a plus qu’une opposition systématique aux mesures du précédent gouvernement.

La loi aurait pour but de protéger la profession d’artisan, mise à mal par la concurrence montante des auto-entrepreneurs[[3]]. C’est la diversité du socle productif français qui est en jeu. Mais pourquoi remettre en question aujourd’hui les avantages accordés hier ? Pourquoi freiner ainsi l’auto-entreprise ? Le gouvernement cherche-t-il à favoriser plutôt ses emplois d’avenir ? Ce serait oublier que l’auto-entreprise et l’emploi d’avenir ne s’adressent pas au même profil de candidats à l’emploi. Plomber ainsi l’auto-entreprenariat apporterait peu et enlèverait beaucoup : cela signerait la fin d’un statut rendu singulier certes par les avantages fiscaux, mais aussi par la perspective de pouvoir travailler dans différents domaines d’activité, de faire valoir toutes ses compétences, d’organiser son activité,  d’« être son propre patron ». C’est surtout d’accompagnement dont la profession a besoin pour réellement se constituer, définir ses règles et ses limites. Les frontières entre artisans, entrepreneurs et auto-entrepreneurs doivent être repensées dans un dialogue social.

Or, de dialogue il ne semble pas être question pour madame Sylvia Pinel. La présentation du projet de loi n’a pas même attendu les résultats de la commission dirigée par le député PS Laurent Grandguillaume, annoncés pour fin septembre. Elle a aussi passé outre le rapport défavorable d’une commission sénatoriale. Ultime artifice, Sylvia Pinel a semblé reculer devant les protestations des auto-entrepreneurs et du mouvement de protestation initié par Adrien Sergent, à la grande joie de la droite qui s’est moquée vertement de cette apparemment peureuse reculade. En réalité, si la loi du 21 août ne mentionne plus aucun plafonnement du chiffre d’affaire, c’est qu’il sera a posteriori fixé par décret, et peut-être sous les 19.000 euros initialement évoqués. Le parlement s’en trouverait réduit à voter une loi dont les modalités seraient choisies par le gouvernement.

Ce fameux plafond du chiffre d’affaire n’est qu’une des mesures prévues par la ministre, et camouflée sous d’autres idées pourtant intéressantes : la modération des baux commerciaux, pendant commercial de la loi Duflot [[4]], la protection du terme artisan [[5]], la simplification du statut d’entrepreneur indépendant à responsabilité limitée[[6]]. Mais toutes ces mesures sont trop différentes pour entrer dans un même projet de loi. Ce « texte de développement économique » devrait se rapprocher d’avantage de la réalité d’un entreprenariat qui a plusieurs visages.

A l’heure où l’on parle, à juste titre, de compétitivité, de croissance, de formation professionnelle, il ne faudrait pas oublier le droit à l’emploi [[7]], la valorisation du travail et la protection sociale. Le développement économique ne peut se passer de développement social, et dans une gauche franche et républicaine, l’un ne peut aller sans l’autre.

S’il faut réformer, que ce soit fait autrement. Notre gouvernement doit reconsidérer la position des auto-entrepreneurs et ne pas bâcler une réforme qui aborderait la rentrée sociale avec une encre encore fraîche et trop de division avec elle.

Au nom de notre démocratie, le débat social et parlementaire doit continuer pour que cette loi atteigne ses objectifs de croissance et d’emploi.

Paul Sylvestre
Militant MRC du Rhône
Membre des Jeunes du Mouvement Républicain et Citoyen
 


1-Agence nationale des organismes de sécurité sociale, juillet 2013
2-Plafond pour les auto-entreprises du secteur des services. Dans le commerce, le plafond de 47.000 euros n’a pas été remis en question.
3-Selon P.Burban, secrétaire générale de l’Union Professionnelle Artisanale, « globalement, les mesures envisagées vont dans le bon sens » [Le Figaro, 21/08].
4-Calcul par rapport à un indice des loyers locaux et non au coup de la construction, et  limitation des hausses à 10% par an. Un désert commercial comme l’est la rue Grôlée à Lyon aurait pu être évité.
5-Le terme serait réservé aux artisans de plus de 6 ans d’expérience et aux diplômés.
6-En particulier pour les transferts de dossiers.
7-« Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », Constitution française de 1958; cité par le Club des Jacobins de Villeurbanne : http://www.blogg.org/blog-93414-page-nos_statuts-2300.html
 


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