Jeudi 31 Juillet 2014

Notre solidarité avec les Chrétiens d'Orient



Les Chrétiens d'Irak subissent aujourd'hui, notamment à Mossoul une politique de purification ethnique qui ne leur laisse comme alternative que de se convertir, de mourir ou de partir. Cette situation est le résultat de la politique désastreuse conduite par les Etats-Unis dans la région, et contre laquelle dès la première guerre du Golfe, nous avions anticipé les conséquences. Notre ami Régis Debray est sans doute l'intellectuel français qui a le mieux décrit la situation des Chrétiens d'Orient. C'est la raison pour laquelle nous publions ci-dessous un entretien qu'il a donné au journal la Croix en 2007, dans lequel il montre si bien à la fois la fragilité de ces populations et leur caractère de médiateur et de passeur ente Orient et Occident.



Pourquoi avez-vous organisé ce colloque (‘L’avenir des Chrétiens d’Orient’, novembre 2007, Paris) ?

Régis Debray : Mon premier souci était d'intéresser l'opinion cultivée à un problème n'intéressant que des spécialistes, habitués que nous sommes à l'antithèse Orient musulman/Occident chrétien. Les chrétiens d'Orient sont l'angle mort de notre vision du monde : ils sont « trop » chrétiens pour les altermondialistes, et « trop » orientaux pour les occidentalistes. C'est cette gêne, ce silence, que je voulais contribuer à briser.

En quoi le contexte rend-il ce colloque plus urgent ?

L'invasion de l'Irak par les troupes anglo-américaines est une catastrophe dont la gravité pour les chrétiens viendra dans l'histoire tout de suite après celle du génocide arménien. Il y avait 500 000 Chrétiens en Irak il y a dix ans ; la moitié a dû s'exiler. Et l'ironie est que cette catastrophe a été enclenchée par un pays chrétien ou supposé tel. Les Arabes chrétiens, coincés entre l'« enclume » d'un Occident impérial et le « marteau » de la montée de l'islamisme, sont accusés d'être le cheval de Troie d'un Occident peu soucieux des « dommages collatéraux ».

Qu'avez-vous perçu lors des séminaires que vous avez menés à Jérusalem, Amman, Beyrouth et Damas ?

J'ai compris que toutes ces communautés arabo-chrétiennes - catholiques, orthodoxes, coptes ou maronites - jouent un rôle irremplaçable de trait d'union et de médiateur entre l'extérieur et l'intérieur, l'Occident et l'Orient. De plus, elles ne sont pas seulement un élément d'équilibre, en évitant au monde arabo-musulman de se replier sur lui-même, mais aussi de modernisation.
Tant que l'arabisme était l'élément fédérateur (après la fin de l'Empire ottoman), les chrétiens d'Orient avaient toute leur place. Maintenant que l'élément fédérateur n'est plus culturel mais religieux (l'islam), les chrétiens ne sont plus perçus comme étant de la famille, tandis que les Turcs et les Iraniens retrouvent une place. Ce basculement s'est fait au moment de l'arrivée de Khomeyni en Iran (1978) et de la défaite de l'arabisme politique. Paradoxalement encore, c'est l'Occident qui a contribué à la défaite du progressisme arabe ayant entraîné la marginalisation des chrétiens en Palestine comme en Égypte.…

Quel avenir vous semble possible ?

La crainte est que la Terre sainte ne devienne un Disneyland spirituel, avec des chrétiens en figurants exotiques. Nous, Occidentaux, sommes placés face à un conflit de devoirs : soit nous intervenons ouvertement pour eux, et nous les discréditons auprès de leur environnement, soit nous les abandonnons à leur sort. Une troisième voie est à trouver entre ingérence et indifférence !

Que faire pour manifester notre solidarité ?

Il ne faut pas se voiler la face… Quand les pays du Golfe distribuent de l'argent aux communautés musulmanes de la région, cela se chiffre en dizaines de millions de dollars ; quand la communauté juive américaine soutient une institution en Israël, c'est en millions de dollars ; et quand l'Europe aide une institution chrétienne en Orient, on est dans l'ordre du millier de dollars….

Les chrétiens d'Orient n'ont-ils pas pourtant été souvent soupçonnés d'appartenir aux milieux bancaires ?

J'ai remarqué que bon nombre de traits du discours antisémite européen d'antan se retrouvent dans le discours antichrétien d'un certain Islam radical actuel : on leur reproche d'être à la fois des riches et des subversifs, des ploutocrates et des bolcheviques, des particularistes et des cosmopolites ! Cela n'est vrai que dans le sens où les chrétiens en Orient ont indéniablement joué un grand rôle dans le mouvement communiste, dans la presse, l'édition et le théâtre, tout en étant de très bons capitalistes.

Sont-ils des boucs émissaires, comme l'ont été les juifs en Occident ?

En Irak aujourd'hui, on voit bien de tels déplacements de vengeance : comme on ne peut pas atteindre les soldats américains, retranchés dans leur « zone verte », on s'en prend aux chrétiens de Bagdad. Avec, en arrière-plan, la volonté d'établir une société musulmane pure, dont les « microbes » chrétiens auraient été évincés….

Concrètement, comment tenter d'enrayer l'émigration des chrétiens d'Orient ?

Informer. Pour aider les chrétiens d'Orient, il faut d'abord les entendre, et entendre ce qui fait qu'on ne les entend pas - à commencer par le soupçon d'antisémitisme pesant sur eux. Les chrétiens d'Orient peuvent être antisionistes, mais on ne peut en faire des antisémites. Ils représentent la minorité la plus porteuse de tolérance, de laïcité, de citoyenneté. Ils sont à l'avant-garde de cette question de la coexistence des minorités qui va devenir un enjeu civil capital du XXIe siècle. La question des chrétiens d'Orient est exemplaire : si les minorités chrétiennes d'Orient sont asphyxiées dans les sociétés majoritairement musulmanes, c'est mauvais signe pour l'Islam de demain, et le choc des civilisations ne sera plus très loin.

Les milieux politiques français vous soutiennent-ils ?

Le ministre Bernard Kouchner a montré son intérêt. Le président Jacques Chirac, qui m'avait missionné, connaissait bien la région dans toutes ses composantes. Mais il faut craindre aujourd'hui une tendance au simplisme, avec les « bons » d'Occident contre les « méchants » d'Orient.

Propos recueillis par Claire LESEGRETAIN (La Croix)
 


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