Dimanche 1 Septembre 2013

Syrie : le scandale de la béhachélisation de la diplomatie française



Jeudi 29 Août 2013
Il m’arrive d’avoir la naïveté de penser que les faits laissent des traces et que les hommes tirent quelques enseignements de leur expérience. Individuellement, c’est parfois le cas. Politiquement et historiquement, ça ne l’est à peu près jamais.


Bastien FAUDOT Secrétaire national MRC
Bastien FAUDOT Secrétaire national MRC
Ainsi en va-t-il de la situation syrienne. Récapitulons : énième feuilleton du soulèvement des peuples arabes, la Syrie est dans une situation d’insurrection et de guerre civile depuis 2 ans et demi. Plus de 100.000 victimes sont tombées du côté des légitimistes comme du côté de la rébellion. La situation s’enlise entre d’une part un régime autoritaire et laïc qui bénéficie des structures d’un appareil d’Etat très puissant (armée, services secrets, forces de sécurité en tout genre, moyens de communication), et d’autre part, une coalition de rebelles dont les forces vives sont pour partie composées d’opposants historiques au régime mais aussi de combattants du jihad venus d’autres contrées. Le régime El Assad bénéficie du soutien affiché de l’Iran et de la bienveillance des alliés russes et chinois. De l’autre côté, l’opposition reçoit une aide diplomatique et logistique des pays occidentaux, Etats-Unis en tête, mais aussi des pétromonarchies du golfe et du voisin turc qui redoute la déstabilisation de la région. Un embrasement généralisé en Syrie risquerait de mettre l’ensemble du Moyen-Orient à feu et à sang car ce conflit voit se superposer plusieurs strates de tensions : entre chiites et sunnites d’abord, entre Syrie et Liban ensuite, entre arabes et perses, entre le monde arabe et les nations occidentales. D’une certaine manière, la guerre froide organisait une ligne de fracture Est-Ouest. Depuis la première guerre du Golfe, une seconde ligne de fracture entre le Nord et le Sud vient s’ajouter et complexifier la donne. 
 



La révélation d’une attaque chimique la semaine dernière dans la banlieue de Damas, ayant causé la mort de 400 civils a fait monter la pression d’un cran sur Damas. En France, le ministre des affaires étrangères, qui se montre particulièrement velléitaire sur le dossier syrien, sonne la charge contre Bachar El Assad, suivant de près l’administration américaine. Le langage de la diplomatie française poursuit l’escalade avant même que les faits soient établis : le 22 aout, Laurent Fabius souhaite une réaction de force, le 23, il évoque des « possibilités de répliquer », le 25 il affirme sur un ton martial que « toutes les options sont ouvertes ». De son côté, la Grande-Bretagne n’est pas en reste, déjà très active lors de l’intervention en Libye. 

La prudence requiert cependant d’identifier avec certitude les auteurs de cette attaque chimique (arme formellement interdite par la convention de Genève de 1975). L’information, toujours particulièrement lacunaire mais surtout très partiale lorsqu’il s’agit du Moyen-Orient, nous met le nez dans le guidon. La tyrannie de l’émotion (le poids des mots, le choc des photos) nous éloigne copieusement d’une vérité de toute façon délicate à établir. 

Laurent Fabius est un récidiviste qui béhachélise la diplomatie française. Le 26 mai 2012, au lendemain des images du massacre de Houla qui a coûté la vie à plus de 100 civils, il se précipite et « condamne les atrocités infligées quotidiennement à son propre peuple par Bachar el Assad et son régime ». Mais le cas de Houla reste obscur. Un journaliste allemand du très sérieux Frankfurter Allgemeine Zeintung a en effet compilé de nombreux témoignages qui accréditent une thèse diamétralement opposée à celle du Quai d’Orsay : d’une part, l’essentiel des victimes étant des chiites et des alaouites (alliés du président El Assad) cela rend l’hypothèse d’un massacre organisé par le pouvoir pour le moins curieuse, d’autre part, les témoins, parfois opposants à El Assad, accusent les forces de la rébellion d’avoir organisé ce massacre contre des civils pour provoquer une réaction internationale. A ce jour, cet article n’a été contredit par aucun corps diplomatique et d’autres témoins sont venus confirmer cette thèse, dont une congrégation de religieuses chrétiennes qui étaient sur place au moment des faits. 
L’affaire de Houla est décisive, non pas seulement à cause des victimes innocentes qui sont tombées, mais aussi pour décrypter le fonctionnement de l’engrenage d’un conflit. Pour déclencher une intervention, encore faut-il en rendre raison. Et quoi de plus noble et de plus présentable qu’un prétexte humanitaire pour parvenir à ses fins ? Voilà un motif moralement insoupçonnable ! 

La fausse accusation a souvent servi de déclencheur pour justifier un conflit ou une intervention armée motivée par d’autres motifs pas toujours avouables. Il en fut ainsi des armes de destruction massives en Irak en 2003 dont Colin Powell exhiba les fausses photos aériennes aux Nations Unies. Il en fut ainsi aussi au moment de la guerre au Kosovo avec l’invention par la diplomatie allemande d’un plan d’éradication des Albanais du Kosovo qui aurait été élaboré par les Serbes et intitulé Fer à cheval. Nous apprendrons plus tard, en 2001, que ce plan n’avait jamais existé et que le gouvernement allemand l’avait fabriqué de toute pièce. 

Le scandale dans cette affaire est encore plus grand : au moment où les pays occidentaux prennent appui sur une attaque à l’arme chimique pour faire gronder les bruits de bottes et justifier une intervention imminente en Syrie, Foreign Policy révèle simultanément que la CIA avait renseigné Sadam Hussein en 1987-88 dans le cadre de 4 attaques au gaz sarin et au gaz moutarde contre l’Iran. Autres temps, autre mœurs ? 
La question est donc la suivante : la France de François Hollande va-t-elle s’associer à cette aventure aussi inepte et inacceptable que l’intervention américaine en Irak en 2003 ? Il y a de quoi être très inquiet, lorsqu’un gouvernement socialiste, emboîte ou pire, anticipe la marche martiale de l’administration américaine pour faire tomber l’ultime régime laïc d’une région totalement déstabilisée. La Syrie, c’est 14 religions et 17 langues, un nombre invraisemblable de minorités, qui, si elles ne jouissent pas des droits démocratiques, risquent d’être particulièrement exposés si un régime d’obédience sunnite devait prendre la main sur le pays. 

Le droit international doit demeurer notre ligne directrice. Nulle intervention armée ne saurait être légale sans un mandat explicite des Nations Unies, une fois établis les faits et les responsabilités. L’ingérence est l’autre nom du droit du plus fort et il y a des raisons d’être en désaccord lorsqu’un gouvernement de gauche s’apprête à le mettre en application, en dehors de toute légalité internationale. 
 


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