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I Publié le Lundi 3 Décembre 2007 par MRC


par Michel Vignal, secrétaire national à l’éducation du MRC.


L’Ecole est une question centrale, puisque Ecole et République sont intimement liées depuis la Révolution française. Le combat pour l’Ecole rejoint celui pour la République. L’une et l’autre sont aujourd’hui affaiblies. Et le futur républicain de la FRANCE dépend grandement de son Ecole publique et laïque.
Une conception exigeante de l’ Ecole républicaine demande que l’Etat fixe clairement les missions de l’Ecole. Je voudrais développer quatre idées.


1) FACE A UNE CRISE GENERALISEE, POUR REDRESSER L’ECOLE, IL FAUT REAFFIRMER SA MISSION PREMIERE.

Il y a une crise généralisée aux multiples facettes:
. crise sociale liée à un chômage de masse, qui n’est pas dû à l’Ecole, mais qui la sape dans sa vocation de promotion sociale,
. crise de la démocratie, avec cette montée de la barbarie néo-libérale, qui détruit les fondements de la politique et la confiance dans les idées et savoirs,
. crise conjointe de la nation citoyenne et de l’Europe, cette dernière étant de plus en plus perçue comme un relais de la mondialisation libérale.

Et pourtant, la résistance s’est manifestée: le non au référendum, le refus du CPE (outil de normalisation libérale) le montrent. L’Ecole est traversée par ces contradictions: elle n’échappe pas à la crise et à l’adaptation libérale de ses contenus et fonctionnement. En même temps, s’y manifestent des facteurs de résistance au sein du corps enseignant, l’appel aussi à des valeurs solides de plus en plus partagées par de larges fractions du peuple. Des possibilités de redressement et de transformation existent. Nous sommes sans doute proches d’un tournant : un basculement de fond orienté et encouragé par des gouvernants courageux est envisageable.

L’Ecole est une institution majeure d’un Etat républicain à construire, car c’est le savoir, la connaissance qu’elle dispense qui libèrent l’homme de son ignorance. Elle donne par la culture, à chaque élève, la possibilité de construire sa propre émancipation. Cette Ecole doit préparer à un métier et une fonction sociale, mais aussi parce qu’elle est laïque, elle apprend à chacun à juger selon sa propre conscience, à penser librement et devenir un citoyen souverain. Finalité qui doit concerner tous les élèves, y compris les enfants des familles les moins cultivées, d’où le défi de la démocratisation qui doit élever le niveau général de formation, sans renoncer à la qualité, sans réduire les savoirs fondamentaux essentiels, et cela dans toutes les disciplines scolaires.

La démocratisation, pour un républicain de gauche, c’est l’accès du plus grand nombre à un enseignement exigeant, qui offre à chaque élève la faculté d’aller jusqu’au bout de ses possibilités, en refusant les facilités et adaptations démagogiques, là au nom de ségrégations socioculturelles subies, ailleurs aux intérêts du marché et aussi aux formes de crétinisme télé-visuelles.


2) POUR REDRESSER, VOIRE REFONDER L’ECOLE, LA GAUCHE DOIT REFUSER LES FAUX REMEDES:

a) Faux remède : réduire les savoirs enseignés et ne plus centrer l’école sur l’élévation par le savoir.
Dans une certaine critique de gauche, mélange d’esprit libertaire et libéral, on a vilipendé le savoir comme discriminant, dénigré la culture classique, l’orthographe, la grammaire, la dissertation et autres... pour magnifier la spontanéité, la créativité de l’enfant et le plaisir à l’Ecole. La considération du savoir a été abaissée. Celle de l’effort laborieux et du courage aussi. D’autant plus facilement que les facilités du zapping télévisuel éloignent les enfants des nécessaires contraintes pour suivre positivement des enseignements systématiques, répétitifs et progressifs.
Aujourd’hui, la loi FILLON propose de réduire les enseignements de la scolarité obligatoire à un socle à minima des « indispensables » pour hiérarchiser les formés aux besoins de la globalisation libérale. Moins de connaissances et les premières victimes seront les enfants des couches populaires qui ne bénéficient pas de cours particuliers et des bons établissements.
Les familles les plus privilégiées, comme celles,de plus en plus nombreuses des couches moyennes, éviteront de plus en plus un système public aux objectifs et résultats abaissés en contournant la carte scolaire ou en ayant recours à un enseignement privé devenu conquérant du fait des faiblesses de l’Ecole publique.

b) Faux remède : le retour à l’apprentissage à 14 ans, voulu par D. de Villepin, qui remet en cause la scolarité à 16 ans décidée en 1959, et qui est une manière de stigmatiser et appauvrir un peu plus les jeunes d’origine populaire de banlieue et de les traiter comme des laissés pour compte. La loi égalité des chances vole honteusement son nom. Il faut faire de gros efforts pour supprimer les écoles ghettos en recherchant partout la qualité, l’exigence, la mixité sociale et le mérite. La ségrégation spatiale est une plaie de la réalité scolaire.
La voie de l’apprentissage a sa place comme filière d’accomplissement à partir de 16 ans, préparée, pour des élèves en rupture, par des dispositifs pré professionnels à 14 et15 ans.
Des formules d’apprentissages à 14 et 15 ans sont possibles si les élèves restent sous statut scolaire et surtout si ce dispositif d’enseignement leur préserve une formation théorique et générale. Il faut aussi offrir à ces jeunes sous statut adapté une rémunération comme apprenti.
Enfin, pour les élèves très instables ou en grandes difficultés familiales des collèges avec internat moderne et accompagnement éducatif adapté doivent être développés.

c) Faux remède : l’autonomie des établissements, établie par la loi de 1989 et que N. Sarkozy veut accroître.
Elle aboutit à différencier les établissements selon leur environnement socioculturel, développer des concurrences, favoriser les parents-consommateurs d’école et instituer, de fait, l’inégalité. D’un côté, les écoles-ghettos, de l’autre les lycées de grande réputation.
Nicolas Sarkozy veut encore accroître cette autonomie et, dans la même logique, supprimer la carte scolaire : pour cet ultra libéral, il s’agit bien de faire fonctionner un marché de l’éducation qu’encouragent l’ O.M.C. et l’O.C.D.E. relayés par les experts de Bruxelles. Le projet de décret créant des établissements publics d’écoles primaires va accroître le rôle des élus locaux aux dépens de l’unité de l’Education nationale puisqu’ils auront 50 à 60% de sièges dans leurs conseils d’administration.
Toujours plus d’autonomie, toujours plus d’expérimentations locales réduisant de fait les savoirs et les horaires réellement enseignés. Ainsi, l’école au nom de l’adaptation à son environnement, se soumet à la fatalité sociale, celle des inégalités sociales, alors que l’école se doit d’être différente, séparée même, de son environnement pour justement élever l’enfant grâce à la découverte et maîtrise de savoirs nouveaux qu’il ignore.
Le MRC ne veut pas que l’école soit assujettie aux féodalités locales et se prononce contre le processus actuel de décentralisation et de concurrence.
Jean-Pierre Chevènement indique dans son programme que « nous ne laisserons pas régionaliser le recrutement des maîtres, multiplier les programmes à la carte, en fonction des besoins locaux ».

d) Faux remède : l’adaptation pédagogique à tout prix, sans exigence, pour faire du chiffre ou par concession à l’idéologie libérale libertaire.
La pédagogie est nécessaire. Mais la pédagogie n’est pas une finalité, c’est un moyen ; et donc elle doit être au service des contenus enseignés et niveaux à atteindre. La qualité des acquisitions doit être ambitionnée et vérifiée. A force d’adaptation sans mesure aux élèves, les autorités ont adapté les programmes, rendu les examens plus faciles pour justifier les mauvaises réformes, et le sytème a fini par attribuer des diplômes dévalorisés et, de fait, a abaissé les capacités scolaires d’une partie des élèves.
Résultats:
- 20% des élèves ne lisent, n’écrivent pas et ne calculent pas couramment et correctement en 6ème
- 30% de ceux de 3ème ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux d’une indispensable culture générale.

En 1985, Jean-Pierre Chevènement, ministre, a voulu augmenter le nombre de lycéens (les 80% au niveau du bac), pour démocratiser les études secondaires tout en maintenant l’exigence nécessaire à travers l’affirmation d’un élitisme républicain. Mais fallait-il que 82% des candidats obtiennent le Bac en 2006, alors que c’était le cas de 62% en 1985 parmi ceux qui le passaient ? L’examen a été rendu plus facile pour faire du chiffre.
Conséquence:plus de 40% des étudiants du Supérieur échouent lors de leur 1ère année , car ils sont insuffisamment préparés au lycée comme à l’université .Environ 25% abandonnent leurs études avant le D.E.U.G.,devenu 1ère et 2ème année de la licence depuis la réforme L.M.D.
La sélection a lieu pendant la licence et les étudiants d’origine modeste ont plus de mal à accomplir des études universitaires de qualité. Ils sont de moins en moins nombreux dans les Grandes Ecoles. La démocratisation, celle qui allie quantité et qualité, est donc encore largement à accomplir .


3) POUR REUSSIR LA DEMOCRATISATION, LA GAUCHE DOIT METTRE L’ACCENT SUR LA QUALITE ET DONC SUR L’EFFORT ET LE TRAVAIL.

La qualité, l’exigence doivent être les objectifs essentiels.

- L’Etat doit assumer pleinement sont rôle.
Moins d’Etat, moins de crédits budgétaires, c’est plus de renoncement et plus d’inégalité. On le voit avec l’actuel budget de l’Education nationale qui réduit de 30% les postes au concours de professeurs. La réduction du temps de formation effectif des enseignants en formation en I.U.F.M. comme la mise en place d’une bivalence au rabais pour les professeurs certifiés, ainsi que la suppression d’heures de décharge justifiées dans le secondaire, sont de mauvaises décisions.
Plus d’école, d’heures enseignées et dans toutes les matières, plus de soutien scolaire en groupes de petite taille, d’études surveillées ou dirigées, d’efforts pour les ZEP, de surveillants et d’éducateurs pour assurer la sécurité et la vie scolaire, tout cela c’est plus de qualité et d’égalité.


- L’Ecole se doit d’être plus présente auprès des élèves.
Les dispositifs d’accompagnement et de soutien doivent se développer dans le cadre de la gratuité des établissements publics pour combattre l’explosion du marché des cours particuliers :
-modules de soutien scolaire adaptés aux difficultés des élèves,
-suivi personnalisé des élèves en relation avec les familles qui doivent être associées et conseillées,
-études dirigées ou surveillées pour l’aide aux leçons, exercices et devoirs.


- Mieux soutenir et conforter les enseignants, pour reconnaître aux professeurs l’autorité qui découle de leur fonction, pour valoriser leur magistère, c’est leur permettre de mieux accomplir la tâche difficile d’inculquer le goût de l’effort dans une société hédoniste, le sens du travail dans un monde qui applaudit la réussite par l’argent; donner la joie de comprendre; la fierté de s’élever dans une société où règnent le zapping et les démagogies télé-visuelles.
Les professeurs ont besoin que l’Etat et la nation leur témoignent plus de considération.

- Nous proposons de réformer les IUFM dans le sens d’une formation exigeante, plus rigoureuse, plus progressive, plus cadrée sur le plan national et nourrie des valeurs républicaines. Une telle formation doit articuler de solides connaissances théoriques à une sérieuse formation didactique et pédagogique (dégagée des dérives pédagogistes), qui ne sont pas contradictoires mais complémentaires.
Il faut aussi créer des financements d’Etat pour aider des jeunes de milieu modeste à faire leurs études, s’ils s’engagent ensuite à servir l’Education nationale et d’autres services publics pendant 10 ans.

- L’éducation civique doit, au-delà des discours, être une réalité forte dans les programmes et les pratiques. Elle apprend à connaître, comprendre et partager les valeurs morales et sociales, en particulier celles de la vie collective dans l’institution scolaire, qui prennent leur sens dans l’application exemplaire des règles.
Plus largement, elle apprend à l’élève à connaître et comprendre ce qu’est la citoyenneté, l’exercice de la souveraineté populaire, et le sens des droits et devoirs du citoyen. L’éducation aux institutions et à la vie politique ainsi que la morale civique sont parties prenantes d’une formation des futurs citoyens qui doit gagner en ampleur, conviction et rigueur.

- Les établissements scolaires doivent être valorisés comme éléments de l’institution majeure de la République. Outre l’attention portée à la qualité des bâtiments qui contribue à leur considération et attractivité, ils doivent être préservés des difficultés de leur environnement et de « l’ouverture » à toute les fatalités sociales, à toutes les formes d’incivilité et de violence.
La question de la sécurité dans et aux abords des établissements, en particulier pour les collèges et les lycées professionnels, est, en effet, très importante. Les familles y sont très sensibles dans leur choix d’établissements. La fermeté et la discipline s’imposent comme facteurs primordiaux de la liberté d’enseigner et d’apprendre. C’est ce qu’attendent aussi bien les élèves et les professeurs que les parents



- Plus de qualité partout, c’est aussi aménager la carte scolaire, afin de lutter contre les inégalités territoriales et particulièrement supprimer les ghettos scolaires.
Nous sommes partisans de redécouper des secteurs scolaires plus larges afin de mêler dans les mêmes établissements des élèves de diverses origines sociales en utilisant les possibilités données par des transports scolaires gratuits.
Il faut aussi multiplier et diffuser sur le territoire les voies du mérite et de l’excellence.
L’accès aux meilleures formations supérieures doit être ouvert aux élèves des banlieues et des villes petites et moyennes. Nous favoriserons aussi l’obtention de bourses au mérite tout en augmentant le nombre de bourses sur critères sociaux.

- Jean-Pierre Chevènement propose aussi la création d’un Institut de la parentalité, autrement dit une Ecole des parents. Cette école serait facultative, mais installée sur tout le territoire avec des conseillers et spécialistes afin que les parents puissent disposer de cadres et repères qui font de plus en plus défaut.



4) RECONSTRUIRE DES BASES SOLIDES DANS LES DIFFERENTS CYCLES D’ENSEIGNEMENT.

- A l’école primaire, un redressement est nécessaire, car sa tâche est fondamentale.
Les savoirs élémentaires doivent être mieux maîtrisés .La maîtrise en premier lieu de la langue française est la clef de tout, la clef de toute réussite ultérieure. L’accent doit être mis sur le décodage de l’écrit, l’orthographe, et la grammaire. La qualité des apprentissages fondamentaux est un « devoir d’Etat »,en particulier vis-à-vis des enfants des couches populaires qui n’ont que l école pour se faire une place dans la société.
Les préapprentissages à la maternelle, assurés dès 2 ans si les parents le souhaitent, doivent être renforcés et les difficultés individuelles détectées et remédiées précocement.
Il faut revenir sur la réforme des cycles qui a largement échouée et instituer des programmes simples, structurés, rigoureux, qui redonnent toute leur place à une solide progressivité et au contrôle des acquisitions. Ces savoirs ne doivent pas être réduits comme le prévoit le socle commun de la loi Fillon.

-L’examen probatoire avant l’entrée en 6ème, proposé par Jean-Pierre Chevènement, permettra de relever les niveaux d’exigence en amont à l’école élémentaire et de rendre moins hétérogènes les classes de collège. Les élèves qui ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux bénéficieront de modules de soutien avec des groupes spécialisés de petite taille.

-Au collège, tout en gardant un collège démocratique, le terme de collège «unique» est devenu une illusion qui dessert majoritairement les élèves. A partir d’une culture générale commune, qui doit être assurée jusqu’à 16 ans, nous souhaitons des options renforcées et des pré filières qui préfigurent le lycée, à partir de la 4ème , plutôt qu’une indifférenciation desservant les élèves les plus en difficulté autant que les meilleurs.
Il faut tenir compte, plus qu’actuellement, des goûts et des aptitudes des collégiens. Les voies de l’éducation sont multiples et il y a différentes formes du mérite .Pour des élèves en rupture scolaire, il est préférable d’offrir des voies diversifiées, faisant place aux stages professionnels ou au préapprentissage avec accompagnement éducatif, comme cela est proposé précédemment. Et parallèlement, doivent être conçues des formations passerelles qui permettent à ceux qui le veulent et le peuvent de rejoindre un enseignement général et à d’autres de faire un choix réfléchi et positif pour l’enseignement à caractère professionnel.


-Le lycée, lui-même déjà diversifié, doit retrouver partout qualité et exigence afin de préparer un Baccalauréat qui doit rester essentiellement un examen national anonyme et suffisamment exigeant. Toutes les disciplines scolaires actuellement enseignées doivent y garder leur place.
Nous sommes également favorables à la multiplication des lycées polyvalents, articulant voies générale, technologique et professionnelle avec les passerelles nécessaires entre les filières.

- La voie professionnelle (dont l’apprentissage) et l’enseignement technologique doivent être revalorisées comme voies de la réussite, ce qui est un travail de longue haleine , lié à l’amélioration souhaitable des carrières des ouvriers ,des employés et des techniciens et à des changements de mentalités .

-Le service public national de l’orientation doit être renforcé en liaison avec les enseignants, afin de lui donner plus de moyens et d’efficacité dans l’accomplissement de sa tâche d’ information et d’orientation des élèves et des familles. Son action devra être aussi tournée vers les écoles de parents nouvellement crées.


Conclusion

Le travail est immense. Il faut des moyens financiers, mais ce n’est pas qu’une question de moyens.
Est-ce que la gauche sera dans ce domaine capable d’effectuer le redressement nécessaire? Il le faut. C’est le sens des propositions de Jean-Pierre Chevènement et du M.R.C. pour refonder l’Ecole républicaine.
Il faut d’abord résister à l’air du temps, marqué par la crise persistante de l’éducation, par l’influence dominatrice de la forme de communication télé-visuelle, si éloignée du travail scolaire et, résister aussi, aux formes et critères de la mondialisation libérale relayée par Bruxelles . C’est cette résistance qui déjà fait se lever les potentialités de redressement et de transformation pour une refondation associant enseignants, parents, citoyens.
Pour le MRC, le combat est clair. Nous voulons une école publique forte, car nous aimons la République.b[

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I Publié le Vendredi 27 Octobre 2006 par MRC

Mots-clés : éducation

Texte élaboré par Michel Vignal, à partir de contributions de Patrick Quinqueton et d’ Eric Ferrand et d’un débat au sein de la commission éducation du M.R.C. en présence de Francis Dapse, Gérard Debeaumarché, Gisèle Dessieux, Eric Guyot, François Hervet, Marie-Pierre Logelin, Emmanuel Protin, Michel Ruchmann, Frédéric Seitz.


L’avant campagne présidentielle s’est emparée de la question de la carte scolaire. Nicolas Sarkozy a tout bonnement proposé sa suppression pure et simple. Ségolène Royal a évoqué son aménagement ou son assouplissement. Les débats qui s’organisent autour de ces prises de position mêlent souvent la pure tactique, le double langage et la mauvaise foi. Il est utile d’y voir clair, d’autant qu’à des éléments objectifs se mêlent préjugés et éléments irrationnels.

La carte scolaire date de 1963 : elle a été mise en place en même temps que la création des collèges d’enseignement secondaire (les CES). Il s’agit de la fixation d’un périmètre à l’intérieur duquel toutes les familles qui résident doivent envoyer leurs enfants dans un établissement scolaire donné. Cette sectorisation des élèves s’applique aussi aux écoles primaires et aux lycées.

Si la question est aujourd’hui posée, c’est pour au moins deux raisons, l’une liée aux pratiques personnelles et familiales des couches moyennes supérieures, l’autre résultant d’une analyse lucide de la réalité.

Pour la première, il s’agit des stratégies d’évitement de la carte scolaire. Il est clair que les couches moyennes supérieures (cadres supérieurs, professions libérales) ont engagé depuis longtemps la course au contournement de la carte scolaire. Aujourd’hui, ces stratégies d’évitement concernent aussi une partie importante des couches moyennes dans leur globalité (des cadres supérieurs aux professions intermédiaires), mais également une fraction minoritaire mais croissante des couches populaires (surtout parmi les employés et ouvriers qualifiés).Trois stratégies sont pratiquées : - l’obtention de dérogations à la carte scolaire auprès des commission spécialisées, - le choix d’établissements privés qui,eux,ne sont pas soumis à la carte scolaire,- le changement de domicile des familles en fonction de la géographie de la réputation scolaire. La prise de position contre la carte scolaire est donc pour ces familles une forme d’autojustification.
Ces stratégies ont des facteurs variés selon le cycle d’enseignement. A l’école primaire, à la recherche de la proximité, s’ajoutent le choix de l’homogénéité sociale et linguistique (d’où aussi des considérations ethniques de la part de certaines familles) ainsi que la qualité supposée des enseignants. Au collège, ces mêmes facteurs sont complétés par la prise en compte de la sécurité, des options et des pratiques habituelles d’orientation à la fin de la troisième. Au lycée, parmi les facteurs précédents joueront particulièrement les filières et options, ainsi que les résultats au baccalauréat et la présence de classes post baccalauréat (B.T.S. et classes préparatoires).

Quant à la seconde raison, il est clair que, dans sa forme actuelle, la carte scolaire a sans doute épuisé une partie de sa capacité de lutte contre les inégalités. En effet, la constitution de ghettos urbains conduit à concentrer dans certains établissements, les enfants des couches populaires, notamment issues de l’immigration, qui deviennent des établissements « déclassés ». Bien que la sectorisation soit souvent plus efficace dans les villes petites et moyennes, elle est impuissante dans les grandes agglomérations à endiguer la montée des inégalités sociales et culturelles.

Les « zones d’éducation prioritaire » mises en place en 1982 visaient à tenir compte de cette réalité en affectant des moyens supplémentaires dans les établissements qui y sont situés. Mais force est de constater que, si certains établissements ont pu ainsi se redresser, ce n’est pas le cas partout. Et, en tout état de cause, les ZEP tenaient compte des inégalités entre établissements plus qu’elles ne les combattaient malgré plusieurs tentatives de réorientation. Même si cette ambition volontariste doit être maintenue, il faut bien constater que le bilan des Z.E.P. reste mitigé.

La suppression pure et simple de la carte est une mesure d’inspiration « ultra-libérale », qui vise, au nom des limites de cette politique, à redonner bonne conscience à chacun et à laisser les parents, en fonction de leurs moyens et de leurs relations, trouver les « bons établissements » pour leurs enfants. Elle doit être combattue.

Le nécessaire aménagement de la carte scolaire doit éviter deux écueils :
- renforcer la concurrence, déjà présente, entre établissements, concurrence qui accroît l’attitude consumériste des parents,
- mettre en œuvre, sans le dire, des dispositifs de discrimination positive qui ruineraient tout autant le principe républicain d’égalité.

Le M.R.C. propose d’agir dans quatre directions principales :
- la politique de l’urbanisme et du logement en lien avec celle de l’emploi,
- la qualité et l’attractivité des établissements scolaires,
- le changement des règles du jeu de la carte scolaire,
- la refondation de l’Ecole sur des bases républicaines.

1-Les politiques de l’urbanisme et de logement, et aussi la question de l’emploi sont déterminants.

L’Ecole ne peut pas tout, toute seule. Les graves difficultés de l’Ecole dans certains quartiers ou banlieue vont de paire avec la crise des banlieues et quartiers périphériques. Si l’on veut remédier aux difficultés liées à l’absence de mixité sociale et à la misère sociale et culturelle, il faut s’attaquer au déterminisme de quartier. La carte de la ségrégation scolaire recoupe largement celle de la ségrégation urbaine et de la division sociale de l’espace.
Il faut supprimer les ghettos urbains, restructurer de nombreux quartiers en reconstituant la mixité des formes de logement afin de mêler les habitants de différentes origines sociales et ethniques dans tous les espaces urbains. Il faut aussi y renforcer les services publics, les commerces, les équipements sociaux et culturels et les activités économiques.
Politique certes difficile qui demandera un grand volontarisme et d’importants moyens financiers. Elle ne réussira d’ailleurs que si ces quartiers restructurés sont pourvus en emplois suffisamment diversifiés et durables, suite à une nouvelle politique de croissance économique qu’engagerait notre pays.

2-La qualité et l’attractivité des établissements scolaires doivent être rehaussées dans de nombreux quartiers par une série de mesures.

a) Tout en maintenant et renforçant l’aide aux élèves en difficulté (soutien scolaire, études dirigées ou surveillées, ZEP et réseaux d’éducation prioritaire…), il faut une politique volontariste de création d’options et de filières d’excellence (qui sont majoritairement concentrées dans les « beaux quartiers ») dans les établissements des quartiers périphériques dégradés, ainsi que dans les communes banales des grandes agglomérations comme dans des villes de plus faible importance où cohabitent encore les couches moyennes et les couches populaires.
Il s’agit d’utiliser l’outil de la carte des enseignements et des options pour ouvrir dans ces collèges et lycées des options de langues rares, des classes européennes, des classes à horaire aménagé et des classes préparatoires aux grandes écoles.

b) Il est aussi nécessaire de renforcer et de soutenir les équipes enseignantes de ces établissements en leur attribuant des bonifications indiciaires, en formant davantage et mieux les jeunes professeurs, et en envisageant un système de double affectation pour des professeurs expérimentés, volontaires, d’établissements de centre-ville qui effectueraient une partie de leur service dans ces établissements.

c) Le soutien scolaire en dehors de l’horaire obligatoire doit, alors qu’explose un marché des cours particuliers organisés par de nombreuses officines privées, être mieux pris en charge par la puissance publique (Etat et collectivités territoriales) sous forme d’aide aux devoirs, d’études surveillées ou dirigées qui doivent être gratuites ou à tarifs très modestes.

d) Le développement d’internats modernes, adaptés et fonctionnels pour les élèves de collèges et de lycées, est le moyen d’offrir des conditions d’accueil, d’hébergement et d’étude pour permettre à des élèves défavorisés ou difficiles, d’accomplir une scolarité encadrée et de qualité.

e) La prise en compte des efforts et du mérite doit permettre à des élèves des quartiers en difficulté, d’avoir aussi accès aux filières d’excellence, en particulier après le baccalauréat. Cet accès aux filières sélectives de l’enseignement supérieur s’appuiera sur l’analyse critique des démarches volontaires des établissements réputés, afin d’en tirer le meilleur,tout en évitant de mettre en place des mesures de discrémination positive. Son développement nécessite l’amélioration des possibilités d’accueil dans des internats modernes et dans des résidences universitaires.
Mais, cette politique de mobilité scolaire, ne saurait se substituer à une politique d’ouverture de voies d’excellence dans les quartiers difficiles ou banals, là où elles font défaut. Si la République veut recréer de la mixité sociale et la confiance dans l’Ecole publique, elle devra élever le niveau de qualité et d’excellence sur tout le territoire.

3-Maintenir la carte scolaire a du sens si les règles de sa définition sont modifiées, afin de limiter les stratégies d’évitement.

a) Le secteur privé n’est que partiellement privé puisqu’avec les contrats d’association signés selon les dispositions de la loi Debré, il est très largement financé par l’Etat et constitue, de fait, un secteur parapublic qui bénéficie d’un avantage concurrentiel : la liberté de choisir ses personnels et ses élèves.
Puisque l’Etat finance les établissements privés sous contrat qui, d’après la loi Debré, doivent correspondre à «un besoin scolaire reconnu », il pourrait en contrepartie les insérer dans la sectorisation, même si cette sectorisation doit être propre à l’enseignement privé afin de tenir compte du nombre plus restreint d’établissements concernés.
Pour appliquer une telle mesure, il faudrait aller contre les intérêts de nombreuses familles des couches sociales les plus privilégiées, dont les enfants sont les plus utilisateurs de ce secteur privé.

b) La carte scolaire doit par ailleurs être recomposée sur le plan géographique. Les frontières des secteurs scolaires doivent être redessinées, là où c’est nécessaire, soit à l’échelon communal, soit à l’échelon intercommunal selon la composition sociale de l’espace et les types d’établissements.
En découpant des secteurs géographiques plus larges et donc plus diversifiés socialement, on pourrait exiger que chaque établissement soit tenu de viser, lors de l’inscription des élèves, à respecter un éventail socio-professionnel diversifié des familles des élèves se rapprochant de la structure socio-professionnelle moyenne de ce territoire large. Ainsi, il serait plus difficile de trouver des collèges qui concentrent tous les élèves des familles en difficulté ou des populations les plus pauvres.
Ce nouveau découpage devrait se faire en tenant compte de la politique des transports publics et du ramassage scolaire. Dans les villes, en particulier moyennes, un tel découpage devrait souvent rassembler des parties du centre-ville avec des quartiers périphériques. De telles cartes ont déjà été réalisées, avec un certain succès, dans plusieurs villes. Ces découpages plus équilibrés socialement seront plus faciles à réaliser pour les collèges ou les lycées que pour les écoles primaires où la demande de proximité entre les établissements et la résidence des parents sera un frein.

4- la question de la carte scolaire ne peut être séparée de celle de la refondation de l’école sur des bases républicaines.

Donner de la qualité, tout en assurant la démocratisation de l’Ecole, c’est d’abord recentrer sa mission sur la transmission du savoir et de la culture. Pour cela, un enseignement de qualité doit être dispensé sur tout le territoire, avec des niveaux d’exigence relevés et mieux contrôlés, des savoirs respectés avec des horaires suffisants dans les différentes disciplines, l’effort encouragé et le mérite valorisé. Des maîtres mieux formés, davantage considérés, à l’autorité respectée, seront les meilleurs agents d’une telle refondation.

Les établissements scolaires doivent être valorisés comme éléments de l’institution majeure de la République. Outre l’attention portée à la qualité des bâtiments qui contribue à leur considération et attractivité, ils doivent être préservés des difficultés de leur environnement et de « l’ouverture » à toute les fatalités sociales, à toutes les formes d’incivilité et de violence. La question de la sécurité dans et aux abords des établissements, en particulier pour les collèges et les lycées professionnels, est, en effet, très importante. Les familles y sont très sensibles dans leur choix d’établissements. La fermeté et la discipline s’imposent comme facteurs primordiaux de la liberté d’enseigner et d’apprendre. C’est ce qu’attendent aussi bien les élèves et les professeurs que les parents
L’action cohérente et résolue des équipes enseignantes et des chefs d’établissements, ainsi que la collaboration de l‘Ecole avec les services municipaux, les organismes sociaux et la police ou la justice, sont des conditions indispensables pour faire connaître, comprendre et partager les valeurs morales et civiques, qui prennent tout leur sens dans une application exemplaire des règles. C’est un des éléments essentiels de l’éducation à la citoyenneté.

Les quatre grandes orientations proposées précédemment constituent un ensemble ; elles sont complémentaires et leur application les renforcerait mutuellement.


La nation se doit ainsi de donner tout son sens et sa force à l’institution scolaire, dans un souci retrouvé d’égalité. Les enfants des familles les moins cultivées sont dignes d’un enseignement exigeant et de qualité. C’est pourquoi, il faut tout à la fois renforcer les moyens humains et matériels là où les élèves ont besoin de soutien, mais aussi diversifier les possibilités offertes par les établissements, afin que partout, sur le territoire de la République, existent des voies de l’excellence et de la réussite.


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