#PrenonsParti : Le discours "Réenchanter la gauche"


Intervention de Jean-Luc Laurent aux Rencontres Fondatrices de Valence le 2 février 2019



"Quel bonheur ; oui quel bonheur d’être aujourd’hui à Valence pour prendre parti. 

Je me réjouis que nous écrivions, ensemble, les toutes premières lignes d’un nouveau chapitre de l’histoire de la gauche.
 
La gauche n'est plus à la hauteur.

Ce nouveau chapitre, nous ne l’écrivons pas pour nous, nous ne l’écrivons pas uniquement parce que nous sommes convaincus du bienfondé de notre démarche. Nous l’écrivons parce que la désespérance sociale est devenue insupportable, parce que l’urgence écologique nous place dos au mur et parce que - ayons le courage de l’admettre - depuis plusieurs décennies la gauche n’est plus à la hauteur de ses promesses qu’elle a fini par trahir. 
 
Posons-nous la question : pourquoi le mouvement social des gilets jaunes qui ne peut être que radical dans ses revendications est-il si méfiant, si suspicieux vis-à-vis des partis politiques et de la gauche en particulier ? Parce que la gauche a abandonné en rase campagne son projet de transformation sociale, a laissé orphelines les classes populaires comme nous le disait Bernard Thibault à l’université de Nos Causes Communes à Marseille et s’est détournée du peuple pour le laisser seul face aux forces du marché. C’est la triste réalité : la gauche a trahi son histoire !
 
Le jaillissement de la question sociale.

Ce jaillissement de la question sociale qui envahit à nouveau l’espace public et que nous attendions, nous oblige à bâtir un projet de transformation sociale ambitieux qui doit s’opposer frontalement et radicalement aux libéraux.
 
Il faut en finir avec la politique de l’offre, la politique dite de désinflation compétitive qui vise d’abord et avant tout à satisfaire des entreprises transnationales et le capitalisme financier et boursier. Car ce sont les mêmes entreprises qui échappent à l’impôt national, qui pratiquent un intense lobbying à Paris comme à Bruxelles pour écrire les lois qui leur conviennent ; des lois qui attaquent les travailleurs, les consommateurs … en réalité le peuple !
 
C’est contre tout cela que les Gilets Jaunes soutenus par une large majorité de citoyens, protestent avec force, avec passion, avec conviction ! Les Gilets Jaunes, ce sont les citoyens qui, comme en 2005, se lèvent et demandent le débat, exigent le changement, la rupture et veulent tout simplement vivre mieux.
 
Nous devons faire le lien entre cette question sociale qui est notre ADN politique , la question nationale qui est le moyen de la démocratie  et la question de l'Union Européenne en critiquant le sens de la construction européenne telle qu’elle s’est faite.
 
La politique de dumping, de casse sociale, la désindustrialisation en France, et la politique austéritaire Bruxelloise sont les deux faces du même euro. Tant que des partis de gauche refuseront d’accepter cette évidence, aussi douloureuse soit-elle, ils seront inaudibles et leur critique de la politique conduite par Emmanuel Macron sera illégitime et impuissante. 
 
Vous le savez, il est bon d’avoir de la mémoire. Et aujourd’hui, je veux rappeler les propos d’un de mes prédécesseurs à la tête du MRC qui vient de nous quitter ; je parle , vous l'avez compris, de Georges Sarre.
 
C’est pour moi, un hommage à Georges Sarre.
 
Georges écrivait dans un livre en 2005, avant le référendum du 29 mai sur la Constitution européenne, auquel le peuple français a répondu par un puissant NON, un NON républicain :
 
"Le référendum sur la Constitution européenne est l’occasion de dresser un bilan de la construction européenne…" La conclusion est sans appel. La construction européenne est profondément libérale et oligarchique. L’Europe est un programme politique : celui des libéraux ! Pas celui de la gauche.
 
La gauche est en crise. Elle croit s’en sortir en se jetant à corps perdu dans la construction européenne. Elle y cherche un substitut au socialisme. Mais l’Europe, elle-même, est en crise. »
 
Remettre la France et l'Europe sur leurs pieds.

Alors, nous avons une tâche majeure à poursuivre. Cette tâche impérieuse d’une gauche forte, fidèle à sa responsabilité historique, fidèle à ses idéaux c’est de conduire avec rigueur et honnêteté ce travail critique et même de faire son autocritique pour remettre la France et l’Europe sur leurs pieds.
 
Car c’est bien le morcellement des socialistes et des républicains convaincus et exigeants qui a ouvert la porte à l’hégémonie à gauche des libéraux. 
 
Nous vivons un moment historique.

L’idéal socialiste et l’exigence républicaine sont au cœur de ce que doit être la gauche, une gauche puissante qui mène de front la lutte pour l’émancipation collective et contre le repli individuel, une gauche qui ne renonce pas face à l’hégémonie du libéralisme, une gauche qui défende la souveraineté du citoyen pour être fidèle au monde du travail, aux classes populaires et au peuple français.
 
Nous avons la même histoire, le même creuset.

Ce week-end nous vivons un moment historique, nous faisons, j’ose le dire,  l’histoire. C’est l’histoire qui s’écrit avec un mariage entre deux composantes essentielles de la gauche qui ne peuvent continuer à exister séparément.
 
Mais en réalité, nos parcours politiques se ressemblent tant. Les anciens membres du CERES et de Socialisme et République qui sont présents se souviennent de notre scission du Parti Socialiste en 1993 pour fonder le Mouvement des Citoyens devenu le Mouvement Républicain et Citoyen. A l’époque déjà nous proclamions que le cycle d’Épinay était terminé et nous appelions le PS à ne pas sacrifier la question sociale sur l’autel de la construction européenne.
 
25 ans plus tard, vous avez fait le même choix, un choix difficile que je salue, le choix de la clarté, le choix de la fidélité à votre idéal, sentant bien que quelque chose s’était définitivement cassé au sein du PS ces dernières années. La vieille maison s’effondre désormais et je sais combien il peut être difficile pour certains d’admettre cette réalité. 
 
Alors, nous devons regarder plus loin et inscrire nos pas dans ceux des femmes et hommes illustres qui nous ont précédé. Car la gauche à laquelle nous proclamons notre attachement, elle porte l’héritage des Lumières, de Rousseau et de Condorcet, elle porte l’héritage de la Grande révolution aussi avec Robespierre ; un héritage qui inscrit dans le marbre de l’histoire l’aspiration du peuple Français à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. Notre héritage c’est 1948, c’est encore la commune de Paris de Rossel et de Louise Michel, les luttes âpres et les conquêtes sociales du mouvement ouvrier et c’est évidemment celui de Jaurès. Ce sont les grandes conquêtes du Front populaire et du Conseil National de la Résistance. C’est enfin le Congrès d’Épinay, avec l’union du CERES de Jean-Pierre Chevènement, Didier Motchane, Georges Sarre et François Mitterrand sans oublier des figures comme Jean Poperen qui ont construit une gauche sûre de sa force, unie avec un programme commun de gouvernement. C’est cette union de la gauche qui ouvrira les portes de la première alternance de la Ve République et le changement en 1981 avec « le rassemblement de toutes les forces de la France » !
 
Cet héritage que nous chérissons est au cœur de l’identité la plus profonde de notre Nation et je sais que notre passion de militants sincères pour la gauche se confond aussi avec notre amour pour la France, notre patrie et notre Nation qui sait porter un message universel.
 
Ce patrimoine historique, idéologique, philosophique, si singulier et si riche de promesses et de conquêtes, fait de nous, réunis pour poursuivre cette histoire, les nouveaux « héritiers de l’avenir ».
 
Car, c’est parce que nous savons d’où nous venons que nous nous unissons aujourd’hui. C’est parce que nous connaissons notre filiation que nous ne pouvons qu’être tournés vers l’avenir pour en être les bâtisseurs.
 
Les Républicains de gauche et les socialistes que nous sommes, doivent avoir le courage de l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace, comme nous l’a enseigné Danton, pour affronter les défis immenses qui seront les nôtres au XXIe siècle : je pense à l’explosion des inégalités, à la croissance démographique, à l’inquiétant recul de l’État et des services publics et bien évidemment à répondre à l’urgence du changement climatique en proposant une écologie républicaine.
 
Constituer un véritable alliage, réaliser l'amalgame.

Nous devons être sûrs de nos idéaux et prêts à relever les défis de l’avenir. Nous devons être à la hauteur de la tâche qui nous incombe : préserver l’avenir de l’humanité, remettre l’égalité au cœur de la société, réaffirmer notre désir d’émancipation collective et sa finalité, la liberté pour tous.
 
Les principes républicains de liberté, d’égalité, de fraternité sans oublier la laïcité qui est au fondement de la seule communauté nationale pour les républicains que nous sommes, la communauté des citoyens unis par un ensemble de droits et de devoirs qui ne doivent pas seulement être défendus ; nous devons être les militants de leur défense et surtout de leur développement.
 
Tout cela commence ici et maintenant à Valence lors de nos rencontres fondatrices qui ont une portée historique dont nous devons prendre la pleine mesure.
 
Nous ne réalisons pas simplement la simple union ou même l’alliance entre deux composantes de la gauche car nous avons la même histoire, nous avons le même creuset.
 
C’est un véritable alliage que nous devons constituer, dans lequel les propriétés respectives de chaque entité s’additionnent pour former un métal nouveau, plus résistant et plus fort.
 
Nous devons réaliser l’amalgame entre nos forces et ne pas nous contenter de les juxtaposer. C’est à mes yeux, la condition sine qua none de la réussite de notre nouveau parti. C’est ainsi que nous serons à la hauteur.
 
Je me réjouis du projet que nous portons ensemble, cela me rajeunit.
 
J’espère que la force de notre enthousiasme collectif nous permettra de relever les défis qui nous attendent et de réussir.
 
Pour nous aider et nous donner l’énergie nécessaire, je veux rappeler le propos du grand Jaurès dans son discours à la jeunesse :
 
« Je ne plierai pas, je ne m’en irai pas en silence. Je ne me soumettrai pas. Je ne me retournerai pas. Je ne me conformerai pas. Je ne me coucherai pas. Je ne me tairai pas.
 
Le courage, c’est de rechercher la vérité et de la dire ; ce n’est pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ».
 
Ce discours à la jeunesse de Jaurès est d’une très grande jeunesse pour la tâche qui nous attend pour reconstruire la gauche pour que vivent la France et la République !"

Abonnez-vous à la newsletter


Suivez le MRC sur Facebook