Vendredi 29 Mars 2013

Conseil européen : bientôt le grand saut fédéral




L'UE libérale est ce que nous combattons depuis la création du Mouvement. Le premier Sommet auquel participe F.Hollande est significatif des choix politiques de la nouvelle majorité à l'égard de la construction européenne pour les cinq ans à venir. L'allocution de Jean-Pierre le 5 juillet au Sénat fait référence pour la stratégie du MRC et de nos élus vis-à-vis de cette politique. Voici mes réflexions sur ces deux événements.

1 La croissance La décision de doter la BEI d'une capacité d'intervention de 120 mds d'€ est positive. Mais 55 mds étant déjà disponibles au titre des fonds structurels inemployés, l'engagement ne porte réellement que sur 65 mds. Personne ne peut croire qu'une somme aussi dérisoire est capable d'inverser la dynamique de récession qui frappe l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, bientôt l'Italie, tandis que la Grèce plonge dans la dépression. La France est en stagnation (0,4 % de croissance estimée), son déficit budgétaire atteint 60 mds, la litanie des destructions d'emplois s'allonge chaque semaine… Ce petit pas symbolique est loin de la réorientation annoncée. Les réductions obligatoires de dépenses budgétaires auront un impact négatif bien supérieur à cette bouffée d'oxygène. Les marchés financiers l'ont qualifié de "hochet politique", et le bond des cotations montre que leurs intérêts sont préservés. La déclaration de F.Hollande affirmant que "la croissance est désormais une priorité" est une opération psychologique qui camoufle une triste réalité.

2 Le MES Institution financière abondée par les Etats pour apporter une assistance financière aux Etats (art.3), il est désormais prioritairement destiné à la recapitalisation directe des banques. S'il est nécessaire d'éviter leur faillite, nous avons toujours dit que la contrepartie devrait être la prise de contrôle par l'autorité politique nationale (cf. IV § 36 du Programme de Salut Public); or le "mécanisme unique de surveillance des banques" sera dévolu à une entité européenne sous la houlette de la BCE toujours indépendante. L'occasion était excellente d'instaurer enfin un pouvoir supra-national direct et souverain, certainement la décision la plus importante. Un bon pas fédéraliste! Les 700 mds affichés ne sont pas réels. L'Allemagne, la France, les Pays-Bas pourront verser leur contribution obligatoire à hauteur de 372 mds, mais comment l'Irlande, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Italie pourront-ils verser au MES les 255 mds qui leur incombent alors que ces Etats sont déjà débiteurs de 288 mds, et qu'ils sont précisément ceux qui ont un urgent besoin de l'intervention de ce Mécanisme? L'Espagne seule aurait besoin d'environ 220 mds d'ici fin 2012 et d'une centaine supplémentaire en 2013 (dixit J.Sapir), l'Italie a une dette de 2000 mds. Le MES ne sera pas en mesure de contenir les dettes souveraines et bancaires ni de bloquer la spéculation des investisseurs. Le MES fournit une aide "sous stricte conditionnalité", notamment "le respect d'un programme d'ajustement économique" négocié par la Commission et la BCE (art.3 et 13). Quels assouplissements pouvons-nous en attendre, et s'ils existent, que feront-ils d'autre que donner un peu de temps pour in fine se soumettre à la discipline déflationniste? Jean-Pierre regrette le refus de donner au MES le statut de banque, le refus de la monétisation, l'atteinte aux pouvoirs de la Banque de France, mais F.Hollande s'est-il jamais engagé sur de tels objectifs? Qu'a-t-il à faire de ces regrets?

3 Le TSCG Il est intact. La "renégociation" dont s'est prévalu notre Président durant la campagne n'a pas eu lieu; elle est un effet de langage mensonger qui cache une soumission, car l'accord sur la croissance ne fait pas partie du Traité. Cette mesure positive n'est-elle pas la concession mineure faite par l'Allemagne pour mieux faire passer ce Traité qui est pour elle fondamental ? Devant le Parlement, F.Hollande ne va-t-il pas demander une ratification unique des décisions du Conseil européen, englobant le TSCG inchangé avec les 120 mds d'investissements, la taxe sur les transactions financières, le MES, la supervision bancaire? Une alouette de croissance pour un cheval de rigueur. Mais l'essentiel est le "grand saut fédéral" que ne cessent de proclamer les dirigeants de l'UE est entré dans sa phase finale. Nous allons "vers une véritable union économique et monétaire" annonce le rapport Van Rompuy-Barroso-de Juncker-Draghi (transmis avec cette contribution), vision d'avenir de l'UE fondée sur "un cadre financier intégré,…un cadre budgétaire intégré,…un cadre de politique économique intégré", le tout couronné par "la légitimité démocratique"! Il est d'une totale clarté. F.Hollande y adhère totalement lorsqu'il se félicite d'avoir atteint son objectif de "dessiner à moyen terme le cadre de l'approfondissement de l'union économique et monétaire". Qu'espérons-nous d'une "meilleure information du Parlement" sur ce rapport et sur la supervision bancaire, sinon la rituelle rhétorique européiste? Ce Conseil européen est dans la droite ligne des précédents: des réactions d'urgence destinées à conserver l'essentiel. Au crédit de F.Hollande, il faut mettre la prise en compte d'une croissance nécessaire, ainsi que l'alliance avec l'Espagne et l'Italie face à l'Allemagne; en revanche, il demeure fidèle à ses convictions libérales et se trouve dans son élément au sein de la logique fédéraliste qui avance à grands pas. La sociale-démocratie ne change pas de stratégie: arrondir les angles du libéralisme pour conforter sa logique. F.Hollande n'a remis en question ni la monnaie unique, ni l'indépendance de la BCE, ni l'atteinte au pouvoir national, ni le marché unique ouvert à la concurrence. La tragédie que vivent les peuples grec, espagnol, portugais pourrait amener notre président et son parti à une prise de conscience de la perversité intrinsèque du système, donc à la volonté d'en changer radicalement la donne. Mais rien de tel n'apparaît. Telle est la réalité que je comprends. Je n'ai donc aucune raison de lui faire confiance, pas davantage aujourd'hui qu'hier.

4 Quelle influence exercer? Dépendre électoralement du PS alors que nous existons par rupture avec lui nous place dans une position évidemment difficile. Il peut être utile de poser un regard positif sur les aménagements qui vont dans le bon sens, d'en souligner les insuffisances, d'alerter sur les dangers encourus, de rappeler les vices du système, le tout avec respect et retenue. Un tel discours bienveillant s'adresse principalement aux dirigeants dont on espère une écoute respectueuse sinon intéressée. A l'inverse, la faiblesse de notre Mouvement et le fait que nous défendons des valeurs fondamentales nous obligent à tenir un discours ferme, tonique, offensif, prioritairement destiné à porter notre image dans les médias et à mobiliser l'opinion publique. Il me semble que notre visibilité et notre responsabilité sont à ce prix, c'est pourquoi je souhaite qu'un tel discours soit privilégié. C.L.


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