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Publié le Jeudi 17 Octobre 2013 par

Un budget entre vice et vertu



Jean-Luc Laurent, Député du Val-de-Marne et Président du Mouvement Républicain et Citoyen, s'exprimait à la tribune de l'Assemblée nationale dans le cadre de la discussion générale du projet de loi de finances 2014, mercredi 16 octobre 2013. Voici la vidéo ainsi que le texte de son intervention.


Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous proposez suit un chemin de crête, un chemin étroit entre le vice et la vertu. En disant cela, j’ai bien conscience de reprendre le vocabulaire des libéraux, qui prêtent une supériorité morale à l’orthodoxie budgétaire, méprisent le cycle économique ou s’acharnent à oublier l’apport de Keynes dans la conduite des politiques économiques.

Ce discours, on ne le connaît que trop bien : on l’entend à Bruxelles, on l’entend à Berlin et malheureusement aussi à Bercy. C’est le discours du triple B, longtemps connu sous le nom de triple A jusqu’à ce que les agences de notation décrètent la fin de ce totem et que la France découvre qu’elle pouvait vivre sans ce triple A.

Ce budget est vertueux. Il prend acte de l’effort consenti par la majorité depuis un an, qui a opéré un redressement inédit du déficit structurel et nous a permis de nous délier du fétichisme des 3 % de déficit.

Dans cette première année de mandat, nous avons délibérément donné la priorité au redressement des comptes publics sur la croissance. L’OFCE l’a montré. C’était un choix politique. De ce point de vue, ce budget 2014 est plus satisfaisant car il nous engage sur un chemin de croissance et d’emploi avec, il faut le souhaiter, une reprise plus nette de l’activité économique et une croissance supérieure à 1 %.

Oui, en 2013, la gauche a fait le sale boulot que la droite lui a laissé – ce que cette dernière ne se résoudra jamais à reconnaître. L’opposition préfère présenter à la presse un contre-budget de combat pendant qu’elle prépare, n’en étant pas à une contradiction près, plusieurs centaines d’amendements visant à baisser les impôts et augmenter les dépenses. De ce point de vue, le sarkozysme a encore de beaux jours devant lui.

Les députés du Mouvement républicain et citoyen avaient accueilli avec enthousiasme le rapport Gallois et son orientation en faveur de l’industrie et de la compétitivité. C’est avec quelques interrogations que nous avions voté la création du CICE et c’est avec inquiétude que nous assistons aujourd’hui à ses premiers pas : ce qui devait être un outil du redressement productif mute, à nous yeux, en politique de l’emploi. Nous entendons les difficultés juridiques, européennes, les contraintes de Bercy et de Bruxelles mais nous ne nous satisfaisons pas d’un calibrage aussi large au moment où la TVA va bientôt augmenter.

Ce 1er janvier, force est de constater que le vice et la vertu se tiendront la main. Alors que nous devons tout faire pour passer le cap du 1 % de croissance, je crains l’impact de cette hausse de la TVA, qui aurait pu être ajournée.

Rendre le CICE keynésien aurait sans doute fait hurler à Bercy, à Bruxelles ou à Berlin, mais peut-être que nous aurions été applaudis à Washington par le FMI, qui a beaucoup évolué dans son analyse de l’austérité. Il faut y être attentif, mes chers collègues, car en matière de politique économique, il y a un risque bien connu : mener les politiques d’hier.

Toute la préparation budgétaire s’est faite sous la pression d’un ras-le-bol fiscal mis en scène et alimenté depuis des semaines, jusqu’à hier encore. Qui pouvait sérieusement penser que le redressement initié l’an dernier se ferait sans effort partagé et que les feuilles d’impôts seraient accueillies dans l’allégresse ? Il faut réhabiliter l’impôt, il faut le rénover et le réformer car il constitue un marqueur de la citoyenneté et du patriotisme républicain.

Réhabiliter l’impôt, c’est aussi faire en sorte que l’action publique soit efficace. L’État – la puissance publique – a structuré la France. La réforme de l’État dans notre pays n’est pas une affaire de gestionnaires, d’indicateurs de performance mais une affaire hautement politique. Dans l’exécution de ce budget, qui est très contraint, il est vital d’avoir cette boussole en tête. Défaire l’État – et je ne distingue pas l’État central de ses collectivités locales, auxquelles on demande un effort excessif au vu de leur contribution à l’investissement public –, c’est défaire la France en tant que nation. Là aussi, l’excès de vertu est un vice et serait un poison mortel pour notre pays.

Monsieur le ministre, avec mes collègues députés du MRC, nous n’avons pas voté le TSCG. Nous avons même voté contre. Nous n’avons pas voté la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017, qui s’inscrivait dans l’austérité prônée par le triple B et mettait en cause la souveraineté de la France. Nous considérons que l’on ne pourra pas retrouver la prospérité de la France, réussir le redressement de son économie et de son industrie sans la réorientation de la construction européenne.

Le projet de budget s’est éloigné des orientations de la loi de programmation, que nous n’avions pas approuvée. Nous accueillons donc positivement cette bonne nouvelle pour la discussion du projet de loi de finances pour 2014. Monsieur le ministre, sur ce point, tenez bon !

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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