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Publié le Mardi 27 Janvier 2015 par

"Le réformisme, c’est ce qui reste quand on a tout oublié"



Intervention de Jean-Luc Laurent, Député du Val-de-Marne et Président du Mouvement Républicain et Citoyen, à la tribune de l'Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi "croissance et activité", lundi 26 janvier 2015.


Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs thématiques, mes chers collègues, l’examen de ce texte est pris en tenaille entre plusieurs événements de portée historique. On nous annonçait au mois de décembre un débat à haut risque pour ce projet de loi. Nous avions d’ailleurs tous prévu de nous écharper en commission, puis en séance publique, durant ce mois de janvier. Et finalement, ce début d’année nous a plongés dans le deuil, ramenant le débat à sa juste mesure. Nous n’avons plus le cœur à nous lancer dans une bataille de civilisation sur l’ouverture des commerces cinq, sept, dix ou douze dimanches par an. La crise française n’est réductible ni à l’économie ni au social, mais la France ne pourra pas faire face à ses démons, ni aux attaques djihadistes, ni aux gouffres que ces attaques ont révélés ou à la menace, en retour, du Front national. Elle n’en aura pas les moyens. Il ne faut pas croire que les sujets sont dissociés, que ce ne sont que des dossiers. La France, comme société et comme nation, est un tout.

Et puis, hier, un espoir a surgi en Grèce, avec la mise en échec, dans les urnes, de la pire des politiques d’austérité, accompagnée de son lot de réformes structurelles bien choisies et de privatisations. Cette mise en échec par les urnes n’est que le début du chemin. Voilà pourquoi, plus que jamais, votre projet de loi apparaît décalé, monsieur le ministre – je regrette de le dire, mais il faut le constater. Il a l’âge du rapport Attali, si ce n’est celui du rapport Rueff-Armand.

Ce réformisme est ce qui reste quand on considère qu’il n’existe plus de politique budgétaire, ou plutôt lorsque qu’on considère qu’une seule politique budgétaire, celle gravée dans le marbre du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, est possible. Ce traité a été, malgré l’engagement pris de le renégocier, ratifié en rase campagne par le Président de la République.

Cette politique budgétaire est aussi élaborée dans les couloirs de Bercy, de Bruxelles et de Berlin. Oui, le réformisme est ce qui reste quand on a tout oublié, et lorsqu’on a oublié qu’il était possible de mener une politique monétaire active, qui ne se contente pas de jouer les pompiers, comme le fait Mario Draghi. Il se voit obligé de négocier fermement avec les incendiaires allemands des mesures visant à lutter contre la déflation.

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, au nom du Gouvernement, relève de ce monde ancien, de ce monde d’avant-hier dans lequel la politique budgétaire était étouffée et la politique monétaire confiée à une instance fédérale. Votre projet est donc un peu décalé.

Mon propos a effectué un détour européen pour évoquer un autre chemin qui ne doit pas être nié et qui mérite d’être esquissé. Il s’avère utile, car votre projet de loi est révélateur de l’action psychologique du Gouvernement, que l’on peut comprendre.

Vous aurez ainsi à cœur de lui montrer la capacité de la France à se réformer, à se moderniser et surtout à conduire une réforme structurelle. Une lettre du Premier ministre l’a annoncée à Bruxelles voici quelques semaines. Cette lettre était destinée à tenter d’atténuer les foudres de la Commission qui doit se prononcer, au mois de mars, sur la situation de la France ainsi que sur son budget.

Monsieur le ministre, les députés MRC, au nom desquels je parle, n’ont pas d’objection de principe à des réformes structurelles mais nous ne les puisons tout simplement pas dans le même livre de recettes que le vôtre.

Nous ne les puisons en effet pas dans le rapport Attali. Comme je vous l’ai dit en commission spéciale, une véritable réforme bancaire aurait été utile. La réforme fiscale aurait également été une véritable et juste réforme structurelle. Mais nous en sommes loin. Si loin.

Vous nous proposez une série de petites réformes structurelles, je dirais de réformettes. Nous les examinerons toutes, dans un esprit constructif, mais sans jamais perdre de vue l’enjeu du redressement de la France et son corollaire, la nécessité de la cohésion sociale qui n’appelle pas davantage de concurrence ni de déréglementation.

Le titre que vous avez donné à votre projet de loi - croissance et activité - place donc la barre très haut. Loin de moi l’idée que ce projet ne rapportera ni croissance ni emplois, même si, malheureusement, personne n’a pu garantir qu’il aurait un impact significatif.

Faute de grives, on mange des merles. Les avocats du projet de loi en sont réduits à vanter son impact psychologique sur les agents économiques ainsi que sur l’immatérielle confiance. Soyons prudents et économes en matière de prévisions et de pronostics.

Pour conclure, je nous enjoints de prendre nos responsabilités, de bien les mesurer. Chaque fenêtre entre-ouverte aujourd’hui, dans les jours qui viennent, au cours de la quinzaine sera une porte défoncée par la droite demain. Mesurons bien cela quand nous voterons ces multiples dispositions, ne nous désarmons pas.

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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